En Suède, l’extrême droite « trumpise » le débat

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Jimmie Akesson, chef des Démocrates de Suède, le 14 octobre 2022, à Stockholm.

Le 14 mai, Jimmie Akesson, le dirigeant des Démocrates de Suède (SD), a fait basculer le débat public suédois dans une nouvelle dimension. Le matin même, la chaîne TV4 avait révélé que le service de communication du parti d’extrême droite, issu de la mouvance néonazie, hébergeait une « usine à trolls », utilisant des comptes anonymes sur les réseaux sociaux pour propager de la désinformation et attaquer les autres partis, y compris ses alliés libéraux et conservateurs de la coalition gouvernementale formée depuis octobre 2022. Cette information a provoqué l’émoi des milieux politiques et mis en évidence l’emprise de l’extrême droite sur le débat public.

Alors qu’à droite comme à gauche tous réclamaient des explications et des excuses, Jimmie Akesson a choisi l’offensive. Dans un « discours à la nation » sur la chaîne YouTube de son parti, le patron des SD, flanqué d’un drapeau suédois, tempête. Il dénonce « une gigantesque opération d’influence intérieure menée par l’ensemble de l’establishment gaucho-libéral » et accuse les « grands médias du pays » de participer à une « campagne de dénigrement artisanale » visant à déstabiliser son parti, donné à environ 19 % dans les sondages avant les élections européennes.

Le discours est critiqué par le syndicat des journalistes, l’ONG Reporters sans frontières et l’organisation de défense de la presse PEN. Qu’importe : le 24 mai, Jimmie Akesson réitère ses propos lors d’un débat au Parlement, qui aurait dû être consacré à l’Europe, mais reste englué dans des échanges acerbes entre la majorité et l’opposition, sur les menaces que fait peser l’usine à trolls des SD sur la démocratie. Car, entre-temps, le parti a fait savoir qu’il n’avait absolument pas l’intention de renoncer à ses comptes anonymes. Tout juste consent-il à supprimer 45 messages, considérés comme offensants par ses alliés de la coalition gouvernementale. Deux employés devront également suivre une journée de « formation au respect ».

« Une méthode poutinienne »

Pour les conservateurs, les chrétiens-démocrates et les libéraux, le revers est indéniable. Le premier ministre, Ulf Kristersson, qui avait dénoncé des dysfonctionnements « graves » et exigés « des réponses », répète désormais que « les activités du service de communication des SD ne sont pas [son] problème ». Il a insisté sur le fait que son gouvernement avait des questions « bien plus graves » à régler. Le 24 mai, devant le Parlement, il a tenté une étrange manœuvre de diversion : déplorant l’« américanisation indigne » du débat, il a proposé aux Démocrates de Suède et aux sociaux-démocrates de s’allier avec son parti au Parlement européen pour former « une team Sweden » qui « défendra les intérêts de la Suède ».

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