En Pologne, « il faut rétablir l’Etat de droit pas à pas »

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Le ministre polonais de la justice, Adam Bodnar, à Varsovie, le 6 février 2024.

Ancien défenseur des droits civiques (2015-2021), Adam Bodnar, qui est également procureur général, a pris ses fonctions en décembre 2023 dans le gouvernement de Donald Tusk après la victoire des partis démocrates aux élections législatives.

L’affaire du logiciel espion Pegasus a pris en Pologne une dimension inédite. Que dit-elle des méthodes du précédent pouvoir ?

A mes yeux, elle n’est qu’une pièce d’un puzzle qui montre un contexte plus large, celui de la construction progressive en Pologne, à partir de 2015 [date d’arrivée au pouvoir du PiS, le parti national conservateur Droit et justice], d’un système autoritaire sur le modèle hongrois, où la mise sous surveillance, certains mécanismes de répression ou d’intimidation étaient utilisés comme des méthodes de gouvernance.

Tout cela était lié à un fort sentiment d’impunité, car ces choses n’étaient jamais censées voir le jour, comme si le PiS devait rester au pouvoir éternellement. C’était un élément de la mise au pas politique des services de renseignement, du parquet et des tribunaux. L’affaire Pegasus est sans doute la plus symbolique. Si on pouvait mettre sur écoute le chef de campagne électorale du principal parti d’opposition, une procureure, un avocat célèbre, cela veut dire qu’il n’y avait quasiment aucune limite dans la déstabilisation des adversaires politiques. Nous sommes déterminés à tout clarifier.

En quoi consiste le « plan Bodnar » qui a convaincu la Commission européenne de débloquer les fonds européens dus à la Pologne en échange de la restauration de l’Etat de droit ?

Il s’agit d’adopter une série de lois qui restaurent la conformité de la législation polonaise encadrant le fonctionnement de la justice avec notre Constitution et les standards européens. Cette législation doit reconnaître à nouveau les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme. Les institutions piliers de la démocratie polonaise – la Cour suprême, le Conseil national de la magistrature et le Tribunal constitutionnel – doivent retrouver leur juste rang constitutionnel, et ne peuvent plus être accusées d’avoir été mises au pas. Il faut aussi réparer le fonctionnement des tribunaux de droit commun et du parquet.

La mise en œuvre de ce plan est difficile car nous n’avons pas de majorité constitutionnelle pour voter des lois systémiques. Le président Andrzej Duda [affilié au PiS] a la possibilité de mettre son veto sur nos textes. Le Tribunal constitutionnel va aussi bloquer ces changements en raison de sa politisation par le précédent pouvoir.

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