« En nombre de pays pratiquant la démocratie, elle régresse ; en territoire déjà conquis, elle perd en qualité »

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Hommage à la démocratie : en 2024, près de la moitié des adultes de la planète sont appelés à voter. On entend déjà les sceptiques. Les conditions de vote ne sont pas les mêmes au Royaume-Uni et dans l’Inde de Narendra Modi, aux Etats-Unis et dans la Russie de Vladimir Poutine, au Brésil et en Iran – pour ne prendre que quelques-uns des pays où la population est appelée à élire ses dirigeants.

Pourtant, dans cet appel aux urnes, il y a une manière de révérence à l’égard d’un des gestes importants de la vie en démocratie. Ici et là, à Moscou ou cette semaine dans l’Azerbaïdjan d’Ilham Aliev, l’autocrate en place se croit obligé d’organiser un vote – même si on connaît le résultat à l’avance.

C’est purement formel, hypocrite, tout ce qu’on veut, mais le despote s’impose le brevet de légitimité et de respectabilité qu’est la certification par les urnes, comme on met une cravate ou un chapeau pour aller à la noce. Le rite n’est pas la foi, certes, cependant, ressenti telle une obligation, il exprime, même inconsciemment, cette simple vérité : l’estampille démocratique, ça fait mieux.

« Soft power »

La situation est paradoxale. « L’homme et la femme de l’année 2024 », ce sont les électeurs, écrit Janan Ganesh, l’un des éditorialistes les plus subtils du Financial Times. Pourtant, la démocratie est « en recul », observe l’Américain Larry Diamond, professeur à l’université Stanford. En nombre de pays pratiquant ce régime, elle régresse ; en territoire déjà conquis, dans l’ensemble occidental notamment, elle perd en qualité.

Entendue au sens large – des élections régulières passablement libres –, la démocratie a connu un pic en 2000 : 54 % de la population mondiale en bénéficiaient, selon l’ONG Freedom House, qui tient les comptes. Puis, le pourcentage est tombé à 50 % en 2018 ; enfin, à 32 % en 2019 (principalement du fait du déclassement de l’Inde, aujourd’hui pays le plus peuplé de la planète).

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Seuls trente-quatre pays sont classés dans les rangs de la démocratie libérale − élections, Etat de droit, liberté de la presse, pouvoirs et contre-pouvoirs, droits des minorités, bref, la panoplie institutionnelle complète et complexe de la vie démocratique. « Depuis dix-sept ans, la liberté recule », observe l’Américaine Samantha Power, qui pilote l’Agence américaine pour le développement international.

La démocratie s’exporte moins, elle a perdu en capacité de séduction, son soft power se serait effiloché sous les coups des infidélités répétées des Occidentaux à ses propres principes. George W. Bush, en envahissant l’Irak en 2003, a été l’un des maîtres d’œuvre de cette évolution. Le désamour − relatif – de l’Occident, dont témoigne l’indifférence du Sud global à l’agression russe contre l’Ukraine, se confond avec la dévaluation de l’image de la démocratie.

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