En Géorgie, « le gouvernement a perdu sa légitimité morale »

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 Des manifestants bloquent une rue lors d’un rassemblement contre le projet de loi controversé sur l’« influence étrangère », à Tbilissi, le 14 mai 2024.

Les manifestations se poursuivent en Géorgie, mercredi 15 mai, après l’adoption en dernière lecture au Parlement, la veille, du projet de loi controversé sur l’« influence étrangère ». Ce texte, calqué sur une loi russe, vise à réduire au silence la société civile et les médias indépendants dans cette ex-république soviétique du Caucase du Sud. Dans un entretien au Monde, Kornely Kakachia, chercheur au Georgian Institute of Politics, à Tblissi, constate que la situation reste « très instable et imprévisible ».

Que représente pour la Géorgie l’adoption du projet de loi sur « l’influence étrangère » ?

C’est une façon d’enterrer la démocratie. Cela ne menace pas seulement l’intégration européenne du pays, mais aussi la capacité de la Géorgie à se construire en tant qu’Etat européen.

La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, s’exprime lors d’une conférence de presse conjointe avec les ministres des affaires étrangères des pays baltes et nordiques lors de leur visite en Géorgie, à Tbilissi, le 15 mai 2024.

L’adoption du texte était attendue. La prochaine étape, c’est le veto que la présidente, Salomé Zourabichvili, va lui opposer. Cela laisse donc encore quelques semaines pour que le gouvernement, la société civile et les partenaires occidentaux puissent parvenir à un consensus et faire des modifications. Un accord reste toutefois très improbable, car le gouvernement n’est prêt à faire que des changements cosmétiques – comme changer le nom de la loi, par exemple –, ce que la société civile, l’opposition et les médias indépendants [ciblés par ce projet de loi] jugent inacceptable. Ils réclament le retrait pur et simple du texte.

En mars 2023, quand le projet de loi a été introduit pour la première fois au Parlement, le gouvernement avait fini par l’abandonner sous la pression populaire. L’adoption de la loi, cette fois, marque-t-elle l’échec des manifestants ?

Non, car le mouvement de protestation continue. On voit que les jeunes augmentent la pression, avec des dizaines d’universités en grève à travers le pays. Ce sera une bataille importante. On peut s’attendre à un élan encore plus fort, avec davantage de manifestations. C’est une guerre des nerfs, et à qui commettra une erreur le premier.

Le gouvernement en a déjà commis une en réprimant les manifestants. Il a perdu sa légitimité morale. La répression érode la confiance de la population dans les institutions – en particulier dans la police – et n’est pas un signe de force, mais de faiblesse.

Les appels téléphoniques menaçants et les intimidations ne marchent pas. Au contraire, à chaque fois qu’un jeune est tabassé, vous avez cinq personnes de sa famille derrière qui se dressent à leur tour contre la loi. Même des Géorgiens qui restaient plus ou moins neutres jusqu’ici se joignent aux manifestations. Une partie de la population est résignée, bien sûr, mais elle est minoritaire. Ce sont les jeunes et la société civile qui mènent le mouvement, et ils sont très déterminés à continuer la lutte.

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