« En Espagne, l’accord conclu par Pedro Sanchez avec les indépendantistes catalans est une reddition sans condition »

4188


Trois mois et demi après le scrutin du 23 juillet 2023, Pedro Sanchez va rallier à lui une majorité parlementaire lui permettant d’être investi président du gouvernement. La nouvelle majorité, qui comprend les socialistes et la coalition de gauche Sumar, ajoute aux nationalistes et indépendantistes basques et aux indépendantistes de Gauche républicaine de Catalogne [ERC] les sept députés indispensables de Junts per Catalunya [Ensemble pour la Catalogne], le parti indépendantiste de l’ancien président catalan Carles Puigdemont.

L’accord rendu public le 9 novembre explicite les concessions unilatérales que le PSOE [Parti socialiste ouvrier espagnol] fait devant les exigences d’un parti dirigé par un homme qui, depuis six ans, fuit ses responsabilités pénales devant la justice espagnole. Il n’aura bientôt plus de comptes à présenter, puisqu’une loi générale d’amnistie vient d’être présentée au Parlement. Elle empêchera toute poursuite et lèvera toutes les condamnations et les poursuites qu’avaient entraînées les différentes démarches illégales et les nombreuses manifestations violentes que ces responsables politiques catalans avaient menées dans le but de proclamer de manière unilatérale l’indépendance de leur région. Elles avaient entraîné une réponse très ferme, d’abord du roi Philippe VI, puis du gouvernement du PP [Parti populaire, conservateur], avec le soutien du PSOE et de la justice.

La condition posée d’une amnistie – dont les socialistes avaient pourtant assuré, pendant la campagne électorale, qu’elle était anticonstitutionnelle et n’entrait aucunement dans leurs intentions – a fini par être acceptée. Pedro Sanchez a reconnu qu’il lui fallait faire « de nécessité vertu ». Et cela en dépit des réticences nombreuses, exprimées notamment de manière très argumentée par Felipe Gonzalez, l’ancien président du gouvernement socialiste (1982-1996), qui pressentait sur le site de sa fondation, le 7 novembre, que cet accord serait dangereux pour l’Espagne ; ou par Juan Luis Cebrian, qui en a fait autant le 13 novembre dans les pages d’El Pais, dont il a été le premier directeur.

Nationalisme ethnico-tribal

En réalité, l’accord conclu est une reddition sans condition des socialistes au narratif indépendantiste radical de Carles Puigdemont. Dans l’exposé des motivations, les deux partis remontent à la guerre de succession d’Espagne – 1714 – pour justifier le harcèlement politique dont la Catalogne est victime de la part de l’Espagne castillane ! Et les thèses d’un nationalisme ethnico-tribal sont validées sans la moindre prudence. Très habilement, les indépendantistes catalans réussissent à imposer l’existence de deux souverainetés opposées. D’un côté, le peuple, une soi-disant majorité – lors du référendum illégal du 1er octobre 2017, qui ne présentait aucune garantie juridique, les Catalans qui ont voté oui à l’indépendance ne représentaient que 38,07 % des inscrits ; de l’autre, des « institutions » – dont rien dans le texte ne rappelle qu’elles sont les institutions démocratiques de l’Espagne –, validées massivement par référendum le 6 décembre 1978 et vitalisées par quarante-cinq ans de pratique démocratique.

Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link