« Donald Trump et Elon Musk plongent la science américaine dans un indescriptible chaos »

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Comment qualifier la rupture de l’ordre institutionnel en cours aux Etats-Unis ? Pour l’historien américain Timothy Snyder (université Yale), il faut bien se rendre à cette évidence : c’est un coup d’Etat, sans guillemets, qui est en cours de l’autre côté de l’Atlantique. C’est même, dit-il, le premier du genre conduit grâce à la prise de contrôle des systèmes d’information d’un Etat.

« Deux douzaines de jeunes gens vont de bureau en bureau, habillés en civil et armés uniquement de clés USB, écrit M. Snyder dans une tribune du 12 février. En usant d’un jargon technique et de vagues références à des ordres venus d’en haut [du DOGE, Department of Gouvernment Efficiency, “ministère de l’efficacité gouvernementale”], ils parviennent à accéder aux systèmes d’information de base du gouvernement fédéral. Ils accordent ensuite à leur chef suprême l’accès à ces informations et le pouvoir (…) d’interrompre tous les paiements et financements du gouvernement. »

Grâce à l’intelligence artificielle, l’accès aux grandes masses de données des serveurs fédéraux permet d’identifier les fonctionnaires à licencier, d’interrompre les programmes de promotion de la diversité ou de protection de l’environnement, de cibler des pans entiers du réseau d’agences de l’Etat fédéral. Voire d’en annihiler complètement certaines, à l’image de ce qui s’est produit avec l’Usaid, l’agence américaine pour l’aide au développement. Tout cela est en cours, et il existe des doutes sérieux sur la capacité de la justice et des Etats à faire obstacle au rouleau compresseur actuellement à l’œuvre.

Ce coup d’Etat numérique permet aussi, et surtout, un contrôle étroit du pouvoir sur la conduite de la science et la production de la connaissance, qui n’a plus rien à voir avec ce que la première administration Trump (2017-2021) avait mis en œuvre. Une enquête conduite par Romany Webb (Sabin Center for Climate Change Law) et Lauren Kurtz (Climate Science Legal Defense Fund), publiée en 2022, indique que la « guerre contre la science » menée entre 2017 et 2021 a consisté, pour les chercheurs des institutions et agences fédérales, en une série de censures ponctuelles, de suppressions de certaines données ou encore de pressions conduisant à l’autocensure.

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