« Deux jeunesses vivent dans des sphères parallèles, sans se rencontrer »

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Enfin, les masques tombent. Tout juste nommée ministre de l’éducation nationale, des sports, de la jeunesse et des Jeux olympiques et paralympiques – un portefeuille élargi qui a de quoi laisser perplexe –, Amélie Oudéa-Castéra s’est retrouvée au cœur d’une polémique après que la scolarisation de ses enfants à l’école Stanislas a été rendue publique.

La ministre s’est empressée de justifier ce choix, en indiquant que l’un de ses fils était passé par le public, avant d’en sortir, du fait de « la frustration [des] parents, mon mari et moi, qui avons vu des paquets d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées. Et à un moment, on en a eu marre […], on a fait un choix d’aller chercher une solution différente ». Le surlendemain, nous apprenions grâce à la presse et à des témoignages convergents que la ministre avait menti : son fils n’a jamais eu à subir des absences non remplacées.

Ainsi, Amélie Oudéa-Castéra a méprisé l’école publique et ses enseignants à tort pour mieux se dédouaner d’avoir envoyé son enfant à Stanislas, haut lieu de reproduction sociale. Dans n’importe quelle autre démocratie digne de ce nom, ce mensonge aurait contraint la ministre à démissionner séance tenante. Mais ce n’est sans doute pas plus le grave ici.

Tendance ségrégationniste

Par son attitude, Amélie Oudéa-Castéra est très emblématique d’un mouvement de fond qui s’effectue au profit de l’enseignement privé. Car, contrairement à ce qui a été indiqué, il ne s’agit pas ici d’un choix individuel de parents qu’il conviendrait évidemment de respecter, mais bel et bien d’un projet politique revendiqué. La famille politique du président de la République est partie prenante de cette partition, elle qui fréquente l’enseignement privé, le plus souvent très élitiste. Il suffit pour s’en convaincre d’exhumer les parcours des plus hauts dignitaires de Renaissance.

Entre une école publique du très chic 6e arrondissement de Paris et l’école Stanislas, la ministre de l’éducation nationale a opté pour Stanislas, en dépit de son lot de conservatisme et des actes homophobes, misogynes et prosélytes qui ont lieu dans cet établissement. Comment pourrait-il en être autrement ? Soucieux d’instaurer la compétition dès le plus jeune âge et d’assurer leur reproduction sociale, nos gouvernants fuient nos services publics, les maltraitent, tout en prônant l’égalité des chances.

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