C’est une première victoire judiciaire pour les plaignants. Trois bailleurs sociaux ont été condamnés, à la fin de décembre, à indemniser des habitants de la cité Air Bel, une cité marseillaise dont les canalisations d’eau avaient été contaminées et où un locataire était mort de la légionellose en 2017.
Dans cette procédure hors norme, 273 assignations représentant plus de 300 locataires de cette cité du 11e arrondissement, dans l’est de Marseille, ont été engagées contre les trois bailleurs, Logirem, Unicil et Erilia. Au total, les bailleurs devront payer plus de 37 000 euros aux locataires, les montants variant notamment en fonction du loyer.
Ces procédures avaient été lancées en 2018, peu après la mort de Djamel Haouache. Ce locataire de 46 ans, père de trois enfants, était mort de la légionellose le 4 septembre 2017. La procédure au pénal pour homicide involontaire ouverte sur ce dossier est toujours en cours d’instruction.
« Trouble de jouissance »
Une audience civile s’était par contre tenue en septembre devant le tribunal judiciaire de Marseille, après plusieurs années de débats sur les expertises réalisées dans la cité Air Bel, et s’était penchée sur douze dossiers pilotes.
Le tribunal a finalement condamné les bailleurs à indemniser les locataires dans dix de ces douze dossiers au nom du « trouble de jouissance », d’après un jugement du 22 décembre notifié plusieurs jours plus tard aux parties et consulté vendredi 5 janvier par l’Agence France-Presse.
« Le site d’Air Bel reste une source potentielle d’exposition » à la légionellose, relève le tribunal dans ses motivations. Il note que, d’après une étude de l’Agence régionale de santé de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur menée le 4 juillet 2018, « les résultats d’analyses en légionelles montrent de fortes contaminations sur la moitié des sous-stations de la cité Air Bel ».
Hormis la famille de M. Haouache, les plaignants ont cependant tous été déboutés de leur plainte pour préjudice moral, les plaignants n’ayant pas fourni de preuve attestant de leur anxiété et la mort de M. Haouache ne pouvant pas être formellement liée à son lieu de résidence.
« C’est la reconnaissance de la souffrance de plus de trois cents familles »
Réunis à l’entrée de la cité Air Bel, devant le local du concierge, des dizaines de locataires avaient manifesté leur émotion le 22 décembre à l’annonce, par leur avocate, Me Soraya Slimani, de l’issue positive de leur combat judiciaire. Le détail des jugements ne leur avait cependant pas encore été communiqué.
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« Aujourd’hui c’est la reconnaissance de la souffrance de plus de trois cents familles », avait salué Me Slimani. « Ces sociétés sont restées sourdes à votre souffrance, ils vous ont sous-estimés », avait-elle ajouté.
« On a eu des moments de doute, d’abattement », avait reconnu Rania Aougaci, médiatrice et coordinatrice de l’Amicale des locataires d’Air Bel : « Les droits ont toujours été arrachés dans les larmes et le sang, on n’a rien lâché », s’était-elle félicitée. « Je veux qu’on puisse vivre sereinement, dignement, sans avoir à s’inquiéter en ouvrant le robinet », avait espéré de son côté Djamila Haouache, la sœur de Djamel.