Depuis le 7 octobre, la grande fracture des juifs de gauche

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Des militants du collectif Golem mobilisés contre la présence du Rassemblement national à la manifestation contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023, à Paris.

L’anecdote est révélatrice. Après avoir annulé sa participation à un débat organisé à Paris par Tsedek ! autour du film sur la Shoah Zone d’intérêt, l’historien du nazisme Johann Chapoutot confie avoir confondu ce collectif de juifs de gauche avec un autre, Golem. Il faut dire que leurs militants ont bien des choses en commun : ils sont juifs, de gauche et fermement engagés contre toutes les formes de racisme. Ils ont d’ailleurs marché dans les mêmes cortèges contre la récente loi « immigration ».

Mais les analyses que portent ces deux groupes sur la période qui s’est ouverte depuis le 7 octobre sont sensiblement différentes, entre les antisionistes (Tsedek !, mais aussi l’Union juive française pour la paix, UJFP) et des mouvements qui, comme Golem, se sont constitués pour lutter contre l’antisémitisme en France : ils ne partagent ni la même lecture de l’antisémitisme ni la même vision du conflit israélo-palestinien.

Golem et les déçus de la gauche

Le 7 octobre constitue, en effet, un double traumatisme pour de nombreux juifs de gauche en France : à la sidération des attaques du Hamas s’ajoute le sentiment d’être trahis par leur propre camp politique. Minoritaires au sein d’une population juive française qui « se droitise », beaucoup de juifs de gauche ne peuvent « plus se reconnaître dans La France insoumise depuis que Mélenchon et d’autres ont minimisé l’importance des attaques du 7 octobre », constate Michel Wieviorka, sociologue et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.

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Simon*, 33 ans, Français juif arabe d’origine tunisienne, confirme : « J’ai eu l’impression d’un abandon de ma famille politique. J’étais révolté de ce refus de nommer ces actes comme barbares et antisémites, et de les faire passer pour de la résistance. » Ce sentiment de solitude les poursuit encore le 12 novembre, lors de la marche contre l’antisémitisme organisée par le gouvernement, qui rassemblera plus de 182 000 personnes. L’absence d’une partie de leur camp politique fait mal, et la présence de l’extrême droite indigne.

C’est alors que Golem fait sa première apparition. Créé la veille de la manifestation, ce mouvement doit son nom à une créature de la mythologie juive, censée défendre les juifs contre les pogroms. Le collectif s’illustre au moment de la manifestation en tentant d’en faire sortir les membres du Rassemblement national (RN).

Simon décide de rejoindre le groupe, enthousiaste : « C’était pour moi la seule bonne réaction. J’ai erré dans beaucoup de “milieux de gauche” avant et je m’écharpais toujours sur la question de l’antisémitisme. Golem s’est créé pour faire entendre une voix juive de gauche. C’est quelque chose que j’attendais depuis tellement longtemps. » Depuis, Simon a participé à ses premières actions militantes, comme des collages d’affiches contre l’antisémitisme devant le siège de La France insoumise.

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