TMC – MERCREDI 20 MARS À 21 H 25 – DOCUMENTAIRE
Leur fonds de commerce est le chaos : les mercenaires. Certains sont sans foi ni loi, comme les Wagner. D’autres, sociétés militaires privées, ont des règles à respecter (comme ne pas se trouver en situation de combat). Les équipes de Martin Weill, reporter pour « Quotidien » (TMC), se sont rendues sur un de leurs sites d’intervention, près de Goma dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), pour enquêter.
Un conflit ethnique y oppose l’armée congolaise et les rebelles, soutenus par le Rwanda voisin, depuis trois décennies, explique la voix off. Pendant quinze jours, ces équipes ont suivi et filmé deux vétérans français et deux Roumains en contrat avec l’armée congolaise. Ils en rapportent un reportage exceptionnel, d’abord sur les motivations de ces hommes prêts à risquer leur vie – deux Roumains mourront pendant le tournage.
Ensuite sur les opérations menées, notamment le spectaculaire survol par un drone d’un camp rebelle, et l’entretien avec le colonel roumain Horatiu Potra. « Les gouvernements devraient être bien contents qu’une société européenne soit là, qui ne soit pas Wagner », dit-il en très bon français.
« Des actes de torture »
Le reportage au Nord-Kivu sert de fil rouge au documentaire, qui revient sur l’histoire des mercenaires depuis leur apparition, il y a près de quatre mille ans, en passant par la « légende » Bob Denard, à l’origine de la loi antimercenariat de 2003. A l’aide d’images d’archives et de témoignages d’intervenants particulièrement compétents, la tuerie du 6 septembre 2007 à Bagdad est également décryptée, au cours de laquelle les Blackwater d’Erik Prince tuent dix-sept civils.
Sans règles, lui, à respecter, le Groupe Wagner peut se déployer, en Afrique centrale, au Sahel et, depuis 2018, en Centrafrique, en séduisant les populations locales et en massacrant. « Il y a des actes de torture, des corps calcinés dans des fourmilières », relate Daphné Benoit, correspondante défense de l’AFP. Puis le film détaille le parcours du patron de Wagner, Evgueni Prigojine.
Sa mort marque le début d’une guerre d’influence, fondée sur le mensonge. « Wagner a un ennemi très clair, c’est l’Occident », affirme Ksenia Bolchakova, journaliste franco-russe et Prix Albert-Londres 2022. Des vidéos de Wagner inondent les réseaux sociaux de contenus antifrançais : dans un dessin animé, des têtes de mort articulent « Nous sommes les démons de Macron » avec une voix de Dark Vador ; un Français est représenté en rat, avant de finir au barbecue. Résultat : des drapeaux français brûlés.
« Un modèle obsolète »
Un nouveau palier est franchi à Gossi, au Mali, en avril 2022, avec la découverte d’un prétendu charnier après le repli de l’armée française. « Le massacre est attribué par Wagner aux forces françaises », explique Ksenia Bolchakova. Jusqu’à ce que l’armée française publie une vidéo montrant des Russes enterrer grossièrement des cadavres.
Après la Centrafrique, ce sont le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui passent dans la sphère russe, rappelle Martin Weill. « Notre modèle français est devenu obsolète », estime Peer de Jong, ancien colonel et auteur. N’y voyons là… « Rien de personnel, on fait ça pour l’argent », peut-on lire sur l’écusson des Wagner. Dans le contexte géopolitique et électoral actuel, ce documentaire apporte des clés de compréhension indispensables.
Les reportages de Martin Weill – Mercenaires, les influenceurs de guerre, réalisé par Félix Seger et Octavie Maurel (Fr., 2024,75 min).