dans le Clunisois, la transition écologique s’opère à pas feutrés

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Sous le majestueux catalpa, à l’ombre de l’église romane, l’heure est à la fête. On danse au son de l’accordéon, on sirote des bières brassées sur place, on claque la bise, hèle les copains, les voisins. Comme tous les jeudis soir, le Panier frégandois, un petit marché agrémenté d’une buvette et d’animations, prend place dans la bourgade de La Vineuse-sur-Frégande, en Saône-et-Loire. Les habitants du cru se mélangent à quelques touristes, les générations aussi. L’ambiance est détendue… jusqu’à ce que l’on évoque l’écologie.

Le marché du jeudi soir, à La Vineuse-sur-Frégande (Saône-et-Loire), le 25 juillet 2024.
Sophie Talabot, retraitée, à La Vineuse-sur-Frégande (Saône-et-Loire), le 25 juillet 2024.

« Il faut mettre ça de côté. Ça va trop loin », peste Christian Mauguin, 57 ans, cantonnier d’une commune voisine. « Ici, on a besoin de gros véhicules pour se déplacer et les gens n’ont pas l’argent pour en changer », assure-t-il. Anne-Gaëlle (qui souhaite rester anonyme), une institutrice quinquagénaire, n’a pas non plus la possibilité de se passer de sa voiture. Mais elle regrette, au contraire, « que les choses n’évoluent que trop doucement sur la transition ». Elle dénonce les haies coupées à ras, les chemins désherbés avec des pesticides, les agriculteurs qui utilisent du glyphosate. « Deux mondes à part, résume Sophie Talabot, une retraitée de 76 ans. On n’est pas fâchés, mais c’est parfois difficile de discuter. »

Si l’écologie ne laisse personne indifférent, c’est qu’elle est au cœur de la politique menée par la communauté de communes du Clunisois, à laquelle appartient La Vineuse-sur-Frégande. En 2021, la structure, composée de quarante et une municipalités, a adopté un projet de territoire ambitieux, centré sur la transition écologique. Le document, intitulé « Vivre ensemble en Clunisois… dans le monde d’après », ne vise rien de moins que la neutralité carbone en 2040 – dix ans avant l’objectif national. Ce qui revient à diviser par cinq l’empreinte carbone des 14 500 habitants, pour passer de 7 tonnes par an et par personne en 2020 à 1,4 tonne en 2040, un défi colossal.

Pour contourner les clivages, il a fallu ruser. Exit l’emploi de termes comme « écologie » ou « sobriété ». « On n’a pas honte de ces mots, mais on ne voulait pas braquer les gens, explique Jean-Luc Delpeuch, 65 ans, le président de la communauté de communes et ancien maire de Cluny (sans étiquette). Il y a un effet repoussoir d’une écologie caricaturée comme punitive. Et on peut vite être donneur de leçons. » A la place, l’accent est mis sur la défense des paysages du Clunisois, des bocages vallonnés et verdoyants, mais aussi sur les gains économiques de la transition. Le résultat de soixante-quinze réunions de concertation en huit mois.

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