« Dans la campagne pour les élections européennes, la voiture électrique semble servir de dérivatif et de punching-ball »

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Radars, limitations de vitesse, prix des carburants. Il y a bien longtemps que l’automobile est installée comme un objet politique central dans la vie publique française. Objet de passion, de râleries, parfois de colère, la « bagnole » s’invite régulièrement, des « bonnets rouges » de 2013 aux « gilets jaunes » de 2018, au programme des fièvres hexagonales. Constater que les usages et les opinions sur les voitures traduisent des clivages sociaux et géographiques, voire des oppositions politiques, remarquer que moins on est riche et urbain, plus on est dépendant de son auto, relèvent du cliché. Des inégalités que les responsables politiques n’affrontent guère concrètement.

Dans la campagne pour les élections européennes du 9 juin, où les grands enjeux du continent peinent à s’imposer, la voiture électrique semble ainsi servir de dérivatif et de punching-ball. La dénonciation de l’interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique en 2035 par l’Union européenne (UE) tient lieu d’épouvantail pour l’extrême droite et la droite. Une fois de plus, une question liée à l’automobile apparaît au cœur des affrontements politiques, plaçant sur la défensive les partisans d’une action climatique déterminée.

« La fin du moteur thermique à l’horizon 2035 est un coup de canif dans le pouvoir d’achat de nos concitoyens », a martelé, sur RTL le 5 mai, le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, qui porte la liste de son parti au scrutin du 9 juin ; il promet de « faire machine arrière » et de « militer pour l’abrogation » de cette mesure décidée en 2022 par l’UE. « On veut culpabiliser la vieille grand-mère qui va acheter son pain avec sa 206 plutôt que d’interroger la mondialisation », a renchéri le député (RN, Somme) Jean-Philippe Tanguy lors d’un débat. La droite n’est pas en reste. François-Xavier Bellamy, tête de liste du parti Les Républicains, prédit que « le continent européen va ressembler à Cuba avec des véhicules hors d’âge » en raison du coût des électriques.

Récupérateur de la colère populaire

En Allemagne aussi, das Auto (« la voiture ») est au centre des stratégies politiques. L’AfD (extrême droite) défile au cri de « Le diesel, c’est super », tandis que les conservateurs de la CDU-CSU promettent d’« abolir l’interdiction des moteurs thermiques pour préserver la technologie de pointe allemande ». Reliée à des thèmes nationalistes ou identitaires, la question de l’automobile joue le rôle de récupérateur de la colère populaire. Patriotisme de la technologie au-delà du Rhin, du mode de vie en deçà. Ce qui est attaqué, « c’est le modèle de la France pavillonnaire qui veut être tranquille, la France de la voiture individuelle, c’est l’enracinement », dit le député (RN, Gard) Pierre Meurin.

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