« Comment peut-on laisser des gens dans le flou avec des devis à plus de 30 000 euros ? »

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Un employé de la société Fluidion prélève un échantillon de la Seine pour en analyser la composition en prévision des JO de Paris 2024, près du pont Alexandre III, à Paris, le 4 août 2023.

Le courrier du département reçu en août 2019 ne les a pas inquiétés plus que cela. Un bureau d’études doit contrôler la conformité de leur assainissement. Pour que les épreuves de triathlon et de nage en eau libre des jeux de Paris 2024 se tiennent dans la Seine, il faut moderniser deux stations d’épuration, augmenter la capacité de stockage en cas de forte pluie. Mais aussi corriger les mauvais branchements de quelque 23 000 habitations, jugées prioritaires.

Si la maison n’est pas bien raccordée, les eaux usées partent directement à la rivière. Deux bassins-versants, celui du ru Saint-Baudile, autour de Gagny, en Seine-Saint-Denis, et celui du ru de la Lande, autour de Champigny et de Saint-Maur, dans le Val-de-Marne, sont particulièrement concernés. Vivant à Neuilly-Plaisance, en Seine-Saint-Denis, ils sont dans la cible. Ils prennent rendez-vous.

L’urbanisation effrénée de l’après-guerre est souvent une cause de ces mauvais branchements. Parfois, c’est un entrepreneur peu regardant qui s’est branché au premier tuyau, au moment d’une division parcellaire. Avenue Danielle-Casanova, chez Olivier Brossard, sa compagne et leurs trois voisins, c’est plutôt l’absence de réseau séparatif, dans cette maison du XIXe siècle posée à l’avant d’une parcelle ombragée. Un médecin vivait là, il y a plusieurs années. Depuis, trois appartements y ont été aménagés. Le couple et leurs deux enfants occupent le premier. Une femme seule, le deuxième. Derrière, dans ce qui a pu servir de dépendances, deux retraités se sont installés.

Un récit ubuesque

Au printemps 2022, un bureau d’études confirme la non-conformité de l’installation. Il faut intervenir, mais qu’ils se rassurent, l’agence de l’eau Seine-Normandie subventionne. Le département s’occupe du reste : un marché a été passé avec des entreprises. La situation s’est corsée lorsqu’ils reçoivent, mi-juillet, le devis de la société. « 37 537,50 euros TTC », ou plutôt « 32 537,50 euros » après déduction faite des aides. Ils ont quinze jours pour répondre, deux ans pour réaliser les travaux. Une grande partie des maisons de la rue sont concernées.

Le récit à trois voix que livrent ensuite les copropriétaires, un soir de semaine, sur la table de la cuisine du couple, est ubuesque. Tous savent pourtant y faire. La jeune femme, qui préfère ne pas donner son nom, est assistante sociale. Les courriers, les démarches, c’est son quotidien. Olivier Brossard enseigne, sa compagne travaille dans la communication. Ils sont tenaces, n’ont pas de phobie administrative. Ils n’ont surtout pas les moyens de payer cette somme.

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