Léa s’en est aperçue au détour d’une conversation avec ses collègues. Titulaire d’un master de business management de l’université de Sydney, en Australie, la jeune femme de 25 ans avait été embauchée quelques mois plus tôt comme cheffe de projet en contrat de travail à durée indéterminée dans une scale-up, une start up ayant réussi à rendre son fonctionnement viable. « En parlant avec eux, je me rends compte que je suis payée 32 k [32 000 euros] par an contre 40 k pour eux. J’étais choquée, se souvient-elle. J’étais pourtant plus diplômée que certains, je parlais plus de langues et j’avais plus de responsabilités. »
Léa (toutes les personnes désignées par leur prénom ont souhaité rester anonymes) va alors voir sa manageuse, qui botte en touche, lui reprochant de n’être « jamais contente ». Pendant les quatre ans et demi qu’elle restera dans l’entreprise, la jeune cadre obtiendra des augmentations : « Mais, comme je partais avec 8 k de retard, je n’ai jamais pu combler la différence », regrette-t-elle. Avec le recul, Léa, aujourd’hui âgée de 32 ans et cheffe de produit dans une agence de conseil, sait que sa principale erreur a été de ne pas suffisamment négocier son salaire à l’embauche : « Maintenant, je sais ce qu’il faut faire : demander plus que ce que l’on pense mériter. C’est ce que font les garçons. »
La situation de Léa n’est pas un cas isolé. Selon le baromètre « Insertion 2024 », réalisé chaque année par la Conférence des grandes écoles, les diplômées de grandes écoles continuent à gagner moins que leurs camarades masculins à la sortie des études : « Cette année, à expérience et à diplôme égaux, le salaire moyen hors primes des hommes (39 804 euros) est supérieur de 5,2 % (37 835 euros) à celui des femmes. » Les secteurs de la banque-assurance, du conseil et des technologies de l’information et de la communication, où les salaires sont les plus élevés, enregistrent les écarts les plus importants à l’embauche.
« Le retour de bâton peut être très dur »
« Cinq lois depuis 1972 et ça n’est toujours pas réglé ! », s’exaspère Elise Bordet. A 32 ans, la fondatrice de l’association 2082 – en référence à l’année où les femmes devraient gagner autant que les hommes si l’écart continue de se réduire à la vitesse actuelle – s’est donné pour mission d’aider ces dernières à mieux négocier leurs salaires. Pour cela, elle s’est fondée sur sa propre expérience : ingénieure agronome, titulaire d’une thèse en immunologie, d’un MBA au très sélectif Collège des ingénieurs, ainsi que d’un diplôme universitaire sur l’intelligence artificielle et la santé, la jeune femme a longtemps eu le plus grand mal à demander des augmentations. « J’avais bien négocié mon entrée en entreprise, mais ensuite je faisais un vrai blocage ! », affirme-t-elle.
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