« Ce dont l’Europe a aujourd’hui besoin, c’est de pragmatisme »

2734


En démocratie, les élections visent à choisir les responsables mais aussi à fixer des priorités. Dans le cas des élections européennes, cependant, cette première fonction est atrophiée. Les tentatives de politiser cette élection, que ce soit par la constitution de listes transnationales ou par la désignation du leader du parti arrivé en tête comme président de la Commission européenne, ont manifestement échoué. En revanche, la sélection des priorités demeure, et c’est un des domaines où l’élection du Parlement européen, prévue pour le 9 juin pour les Français, joue un rôle décisif.

Le mécanisme par lequel s’opèrent les choix est subtil. Parce que les modes de scrutin diffèrent d’un pays à l’autre, le bloc central qui commande la majorité au Parlement est d’une grande stabilité. Tout laisse attendre, encore une fois, qu’après les élections de juin l’alliance de fait entre centre-droit, centre et centre-gauche, aujourd’hui dominante, continue à le contrôler. Mais là n’est pas le plus important : en 2019, la majorité n’avait pas bougé, mais les priorités ont changé parce que le message des électeurs était qu’il fallait accélérer l’action climatique. C’est ce qu’indiquait, sans ambiguïté, la combinaison d’une hausse du taux de participation et d’un progrès notable des partis écologistes. Le résultat a été le Pacte Vert pour la décarbonation complète de l’économie européenne.

Cette fois-ci également, l’élection ne conduira certainement pas à un franc changement de majorité. Cependant, ses résultats seront très probablement marqués par un virage vers la droite et fixeront les priorités des cinq prochaines années, y compris dans les domaines économiques. Les coalitions sujet par sujet, fréquentes au Parlement européen, ne se feront pas selon les mêmes lignes. En apparence, rien d’essentiel n’aura changé, mais, en réalité, l’orientation des politiques européennes sera sans doute très différente.

Raisonner à l’échelle du continent

Les enjeux de cette élection sont donc tout à fait réels, et même essentiels. Le premier est la mise en œuvre du Pacte vert. Les sociétés européennes sont aujourd’hui travaillées par la tentation de lever le pied. C’est paradoxal, parce que l’effort n’est qu’à peine engagé : l’Institut d’économie pour le climat estime ainsi qu’en 2022 les investissements d’atténuation n’ont atteint que la moitié du montant annuel requis pour que l’Union à 27 respecte ses objectifs (« L’Union européenne doit doubler ses investissements climat », Thomas Pellerin-Carlin, I4CE, 23 février). Pourtant, les appels à repousser les échéances se multiplient, tandis que les moyens financiers manquent : le nouveau cadre budgétaire ne fait pas place au financement de l’investissement vert par l’endettement des Etats, et les ressources européennes consacrées au climat vont passer de plus de 50 milliards d’euros par an à moins de 20 milliards d’ici à 2027. Tout se passe comme si l’Union européenne (UE) s’était fixé des objectifs, mais s’était refusée à elle-même les moyens de les atteindre.

Il vous reste 49.61% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link