« Aujourd’hui, la plupart des systèmes de vidéosurveillance en France ne sont pas exploités »

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Auteur d’une thèse en 2017 sur l’évaluation de la vidéosurveillance au sein des politiques publiques, Guillaume Gormand a mené, en 2021, une étude sur les dispositifs de vidéosurveillance en matière de délinquance du quotidien pour le Centre de recherche de l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale. Les conclusions du chercheur associé et enseignant à Sciences Po Grenoble, également chargé de mission pour Grenoble-Alpes Métropole, mettent en lumière des résultats plus que mitigés. Le scientifique regrette que les termes du débat, entre préservation des libertés et meilleure sécurité, prennent rarement en compte une donnée essentielle : l’efficacité de la vidéosurveillance.

Le marché de la vidéosurveillance est en pleine croissance alors que ce dispositif est souvent décrié pour son manque d’efficacité ou de potentielles atteintes aux libertés publiques. Comment l’expliquer ?

Cette croissance de la vidéosurveillance de la voie publique est en effet très nettement perceptible depuis les années 2000. Il y a, d’une part, un lobbying très insistant de la part d’acteurs privés mus par la conquête de nouveaux marchés ou l’augmentation du marché existant, avec davantage de caméras ou de logiciels, etc. Mais il existe aussi, à mon sens, un climat favorable d’un point de vue idéologique et politique.

Depuis des années, beaucoup de responsables publics locaux et nationaux mettent en avant cette technologie à travers une approche sécuritaire positionnant systématiquement la vidéosurveillance dans un débat univoque entre des opinions favorables à la sécurité et d’autres à la préservation des libertés individuelles. Le débat porte très rarement sur la question centrale du sujet : est-ce véritablement efficace ?

Justement, quels sont les écueils auxquels se heurte la vidéosurveillance en matière d’efficacité dans la prévention et la résolution des actes les plus fréquents de délinquance ?

Toutes les études, y compris internationales, s’accordent sur le fait que la vidéosurveillance ne dissuade pas. A la limite, elle peut provoquer un déplacement de la délinquance, non sur le plan géographique mais sur celui de la méthode : les délinquants peuvent s’adapter à cette menace potentielle mais ils ne seront jamais dissuadés par la seule présence de caméras, c’est un fantasme que l’on peut balayer.

Il y a, en revanche, un potentiel d’efficacité extrêmement intéressant pour l’aide à l’intervention, c’est-à-dire aider des policiers à intervenir sur le terrain, les sécuriser ou leur éviter des guets-apens. Mais pour cela, il faut des opérateurs qui soient constamment derrière les écrans, qui pilotent les caméras, connaissent le territoire, les policiers. C’est toute la chaîne de sécurité, dont la vidéosurveillance n’est qu’un maillon, qu’il faut adapter.

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