Audience irréelle au procès de la vendetta de Bastia-Poretta, sans accusés et sans avocats

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Il est 16 heures, ce jeudi 23 mai, et le président de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, Jean-Yves Martorano, appelle à la barre le premier témoin du double assassinat commis, le 5 décembre 2017, à l’aéroport de Bastia-Poretta, en Corse.

L’employé de l’aéroport s’avance face à la cour et aux jurés. Le box des neuf accusés détenus est vide. Vides aussi les bancs de la défense. Vides encore, les bancs du public. Seules les quatre chaises réservées dans le prétoire aux accusés qui comparaissent libres sont occupées. Leurs avocats s’écrasent derrière eux, la mine sombre. Les policiers en tenue qui se tenaient au fond de la salle ont déserté eux aussi, à l’exception d’un, assis dans un coin.

Imperturbable, Jean-Yves Martorano fait prêter serment au témoin, avant de recueillir sa déposition. « J’étais dans mon bureau à l’aéroport, j’ai entendu des détonations et voilà », explique ce dernier.

– « Vous entendez “pan” ? ou “pan-pan-pan-pan-pan” ? », demande le président de la cour.

– Plutôt plusieurs « pan », répond le témoin.

– « Donc, des armes automatiques », relève le président Martorano. Sur les photos qui lui ont été présentées, l’employé n’a reconnu personne. Témoin suivant.

Tout est irréel. Pourtant oui, on est bien en train d’assister au début de l’examen au fond de la vendetta de Bastia-Poretta devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence, sans les principaux accusés, parmi lesquels les deux frères Richard et Christophe Guazzelli et l’ancienne « matonne » de la prison de Borgo, Cathy Chatelain, qui encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Et sans leurs avocats.

Rappel des épisodes précédents : mardi 21 mai, à la reprise de l’audience, après plusieurs jours de suspension liés au mouvement de blocage des prisons consécutif à l’attaque sanglante du fourgon pénitentiaire au péage d’Incarville (Eure), l’ensemble des avocats de la défense s’est opposé au nouveau calendrier des débats proposé par le président de la cour. Celui-ci prévoyait le renvoi à trois semaines de l’audition décisive des policiers chargés de l’enquête, alors qu’ils étaient initialement prévus, comme le veut l’ordre habituel, dès le début de l’examen du dossier au fond.

Jurés désemparés

Mais ce qui aurait dû être une discussion normale et constructive, entre l’ensemble des parties pour trouver un accord, a tourné au chaos. Réponse négative de la cour, sans autre explication que celle des congés des policiers, à cause des Jeux olympiques. Indignation légitime des avocats, exigeant dans ces conditions le renvoi du procès, tout en faisant savoir explicitement au président que si l’audition des policiers était avancée, ils s’inclineraient.

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