Au tribunal de Bobigny, l’avalanche de dossiers liés aux « stups » révèle l’extraordinaire complexité de la lutte contre le trafic de drogue

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De la « start-up nation », ils ont retenu l’idée que la qualité du service était essentielle, que le respect des engagements de livraison était fondamental, que le marketing valait mille discours. Ils ont fait le constat que le modèle de l’autoentrepreneur offrait des promesses de rentabilité, d’efficacité ou d’agilité, comme on pourrait entendre des experts du management le professer. Alors, ils ont inventé une offre de haute qualité, au nom évocateur, Sinaloa Puro, référence à un cartel mexicain, disponible sur les messageries WhatsApp ou Signal, à laquelle se sont abonnés plus de 2 000 clients dans toute l’Ile-de-France et aussi dans le Loiret, l’Oise ou la Marne. Le service ? La livraison de cannabis, de cocaïne, d’ecstasy ou de MDMA à domicile en moins de vingt-quatre heures. Avec des promotions pour les plus fidèles. Et des produits proposés sur menu, sur mesure, en fonction des intensités et des qualités.

Le quartier général de cette start-up a été établi au deuxième étage, appartement 9, du 124, avenue Joffre, à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Là où, selon les policiers, s’effectuait la préparation des commandes, avant les livraisons elles-mêmes.

« Vous êtes comme un livreur qui livre des pizzas ou du japonais », résume le magistrat Patrick Gerbault, début décembre 2023, en s’adressant aux cinq jeunes hommes, membres supposés de l’organisation, convoqués à la barre du tribunal judiciaire de Bobigny.

Les commandes étaient groupées par zones géographiques puis confiées à des livreurs, les adresses envoyées par WhatsApp. Les mouvements de fonds étaient comptabilisés sur des petits carnets à spirale retrouvés par les enquêteurs. Montants, types de livraison, codes postaux, adresses… « On a des vendeurs, une comptabilité, des prix plutôt élevés, tout cela génère beaucoup de cash », relève le magistrat. Des listes de contacts clients avec une valeur telle qu’elles sont parfois revendues ou louées entre trafiquants.

Le principal organisateur du réseau a été identifié, mais il s’est enfui en Espagne. Ses deux lieutenants, chargés de gérer la puce du numéro de téléphone 07-45-46-45-27, ont, eux, été arrêtés, placés en détention provisoire, jugés et condamnés à cinq ans et trois ans et demi de prison. Chez l’un d’eux, les enquêteurs ont saisi des sacs Vuitton et Cerruti, des chaussures Louboutin, des produits Balenciaga et Dior ainsi que des montres Rolex.

L’autre face de la « start-up nation » : une jeunesse parfaitement intégrée, non pas à la société républicaine, celle qui promet en théorie l’égalité et la fraternité aux frontons des mairies, mais à la société de consommation, celle qui s’affiche dans les publicités au cul des bus de la RATP ou dans les stories des influenceurs de Dubaï et des footballeurs.

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