Au procès du meurtrier d’Eric Masson, la part du droit face à la peur et à la colère des policiers

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Une manifestation de policiers réclamant des sanctions plus sévères contre ceux qui s’attaquent à leur corps de métier, à Paris, le 19 mai 2021, peu après la mort de leur collègue Eric Masson lors d’une opération antidrogue à Avignon.

« J’ai souvent pensé que j’allais mourir jeune », avait confié Ilias Akoudad au psychiatre chargé de l’expertiser. Le jeune dealeur de 22 ans n’est pas mort, c’est lui qui a tué. La réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans, a été requise contre lui, jeudi 29 février, pour le meurtre du policier Eric Masson et la tentative de meurtre de son collègue Romain Reynes, le 5 mai 2021, lors d’un contrôle sur un point de deal en plein centre d’Avignon.

Dans leur délibéré, la cour et les jurés du Vaucluse n’emportent qu’une certitude : Ilias Akoudad a tiré plusieurs balles sur Eric Masson, dont une lui a perforé le thorax. Le reste, tout le reste, relève de leur intime conviction. Lors de ce face-à-face d’une minute et demie, l’accusé avait-il, ou non, connaissance de la qualité de policier de l’homme sur lequel il a tiré plusieurs balles ? Ou pensait-il avoir affaire à un rival, venu lui disputer son point deal, comme pourrait le laisser penser la phrase – « Vous faites quoi les gars, vous charbonnez ? » – avec laquelle il a apostrophé Eric Masson et son coéquipier, vêtus en civil ?

Pendant deux semaines, les avocats d’Ilias Akoudad, Mes Elise Arfi et Frank Berton, se sont battus pied à pied pour faire exister cette parcelle de doute. Selon eux, l’enquête n’a pas rapporté la preuve qu’Eric Masson aurait exhibé son brassard, et de tous les témoins présents, seul Romain Reynes affirme que le brigadier a crié « police, police » avant de s’effondrer. « Vous devez juger Ilias Akoudad strictement pour ce qu’il a fait, a plaidé Me Arfi. On ne peut pas retenir qu’Eric Masson a été tué parce qu’il était policier. Bien sûr qu’il est mort dans l’exercice de ses fonctions. Mais Ilias Akoudad n’a pas tué un fonctionnaire de police. Il a tué Eric Masson. Est-ce déconsidérer la police, la décevoir, de ne pas retenir l’application de la circonstance aggravante ? » Sur la tentative de meurtre de Romain Reynes, le même doute existe, a affirmé l’avocate. « Et le doute doit bénéficier à l’accusé, c’est la loi. »

« Que l’on m’épargne tous ces faux regrets »

Mais de quel poids peut peser sur l’intime conviction de la cour et des jurés ce rappel du droit et de la loi quand le meurtrier est un petit dealeur armé et sa victime un policier, marié, père de deux petites filles, fils et frère de policiers ? Mardi 27 février, un homme aux cheveux blancs a fait chavirer la cour et les jurés. « Marc Masson, 66 ans, retraité de la police nationale » s’est avancé à la barre, a déplié son petit papier, commencé sa déposition en remerciant « les citoyens, les collègues, la police judiciaire, la BRI » puis il a raconté les circonstances dans lesquelles il avait appris la mort de son fils aîné. « Depuis le 9 mai, c’est-à-dire l’arrestation de ce monsieur, là, qui baisse la tête, j’ai eu le temps de me préparer à cette confrontation. Mais que l’on m’épargne tous ces faux regrets, lesquels ne sont motivés que par le souci de faire baisser la sanction. » La veille, et pour la première fois après trois ans de dénégations, Ilias Akoudad avait reconnu être le tireur. Des aveux tardifs, maladroits, en réponse à une interpellation de son avocat, Me Berton, qui avaient exaspéré les parties civiles. Le père d’Eric Masson s’était alors levé de son banc et avait quitté la salle d’audience.

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