Au procès des viols de Mazan, Dominique Pelicot toujours absent, l’un de ses « disciples » entendu à la barre

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Dans l’attente d’une éventuelle suspension des débats dans l’après-midi, le procès des viols de Mazan a commencé à aborder individuellement les 51 accusés, mercredi 11 septembre. Une audience qui se tient toujours en l’absence du principal d’entre eux, le mari, Dominique Pelicot, malade et dispensé d’audience pour le troisième jour de suite.

Le septuagénaire, accusé d’avoir drogué celle qui est désormais son ancienne épouse, pour ensuite la violer et la faire violer par des dizaines d’inconnus recrutés sur Internet, était arrivé mercredi matin dans son box aidé de sa canne, parce qu’il souffre de la hanche, vêtu d’une veste grise à manches longues. Il est apparu visiblement affaibli, les traits du visage très tirés et se tenant la tête entre les mains. L’accusé n’assistera finalement pas aux débats concernant les premiers accusés.

« En fonction de son état de santé et de sa capacité à comparaître », M. Pelicot pourrait néanmoins être interrogé pour la première fois jeudi après-midi, a informé le président de la cour criminelle du Vaucluse, Roger Arata.

Durant la matinée, la cour criminelle du Vaucluse s’est penchée sur le cas de Jean-Pierre M., possible « disciple » de Dominique Pelicot et seul des 51 accusés poursuivi, non pas pour viol sur l’épouse du principal accusé, mais sur sa propre femme.

L’homme de 63 ans, ancien chauffeur routier dans une coopérative agricole, est accusé d’avoir reproduit le même protocole que M. Pelicot en droguant sa compagne avec un anxiolytique afin de la violer, en compagnie plusieurs fois de M. Pelicot. Les faits auraient eu lieu à douze reprises entre 2015 et 2020. « Je reconnais les faits », avait sobrement rapporté Jean-Pierre M., l’un des dix-huit accusés détenus – trente-deux autres comparaissent libres, et le 51e est en fuite –, le 2 septembre, à l’ouverture du procès.

« Mériter la prison à vie »

L’audience a débuté par la lecture du rapport de l’enquêteur de personnalité par le président, puis les témoignages de ses enfants. Sa compagne, qui ne s’est pas portée partie civile « afin de protéger ses enfants », pourrait s’exprimer sur les faits mercredi après-midi. « Elle a cinq enfants et a voulu les protéger », avait expliqué, mardi, un des deux directeurs d’enquête, Stéphan Gal, reconnaissant que cela peut sembler « effarant quand on voit les images qu’elle a vues ».

Jean-Pierre M. « dit mériter la prison à vie, comme Dominique Pelicot », avait aussi précisé M. Gal. Devant les enquêteurs ou le magistrat instructeur, Jean-Pierre M. avait expliqué avoir rencontré Dominique Pelicot « à son insu » sur le salon du site Internet Coco, fermé en juin dernier. Et « sur les douze faits, c’est sur la demande de Jean-Pierre M. que Pelicot est venu », avait précisé M. Gal.

« Chaque fois qu’il se déplaçait, [ce dernier] lui fournissait les médicaments pour la prochaine fois », avait rapporté M. Gal, corrigé par Me Béatrice Zavarro, avocate de l’accusé principal, selon qui il n’y aurait eu que « quatre remises de médicaments ».

Mercredi, le président de la cour, Roger Arata, a d’abord fait lecture de l’histoire familiale compliquée de Jean-Pierre M., marquée par une enfance dans une grande pauvreté et un contexte de violences intrafamiliales, y compris sur le plan sexuel.

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« J’ai été élevé par des cochons », avait expliqué l’accusé, avant-dernier d’une fratrie de dix enfants qui a vécu dans une ferme, lors de son interrogatoire après son arrestation à l’hiver 2021. Il devrait prendre la parole devant la cour jeudi.

« Les faits, ils sont très graves, je pense qu’il en a conscience. Ce procès, ça va être un soulagement, je l’encourage à se livrer », a commenté son fils, âgé de 32 ans, qui porte le nom de la première épouse de son père, estimant « très difficile à comprendre » que sa belle-mère, la deuxième femme de son père, la victime, n’ait pas porté plainte et ne se soit pas portée partie civile. Selon son fils, « c’est une certitude », Jean-Pierre M. a été manipulé par Dominique Pelicot : « J’ai l’intime conviction que s’il n’avait pas rencontré cette personne, il n’y aurait jamais eu ça. »

Un programme d’audiences fortement perturbé

Prévue mercredi matin, l’expertise médicale de Dominique Pelicot ordonnée par la cour pourrait donc décider de la poursuite de ce procès commencé le 2 septembre à Avignon : si son état de santé ne le permet pas, Roger Arata pourrait suspendre les audiences pour quelques jours, chamboulant un programme très chargé et déjà fortement perturbé depuis une semaine.

« J’ordonne une expertise, je vais signer l’ordonnance dans la matinée et (…) je dispense M. Pelicot pour la journée », avait annoncé le magistrat en ouvrant le huitième jour d’audience de ce procès hors norme, après avoir recueilli l’accord des parties civiles ainsi que du ministère public.

« J’ai rencontré M. Pelicot ce matin. Il était allongé en train de dormir dans les geôles. Il avait vomi, fait un malaise, avec des douleurs dans les reins. Physiquement, il est là, mais je ne suis pas certaine qu’il puisse suivre les débats de manière sereine », a déclaré son avocate, Béatrice Zavarro, en début d’audience, avant même que les débats ne commencent.

« C’est indispensable que M. Pelicot soit en état de comparaître », a confirmé l’un des avocats des parties civiles, Me Stéphane Babonneau, devant la famille de la victime principale, Gisèle Pelicot, 71 ans, vêtue d’un pull beige et d’un pantalon à motifs zébrés.

Comme ses cinquante coaccusés, poursuivis pour la plupart pour viols aggravés, Dominique Pelicot risque vingt ans de réclusion criminelle. Les faits concernant son épouse ont eu lieu de juillet 2011 à octobre 2020, principalement au domicile du couple à Mazan, cette commune de 6 000 habitants du Vaucluse où ils avaient déménagé en mars 2013.

Affaire des viols de Mazan : comment Dominique Pelicot a-t-il livré sa femme à des inconnus ? Résumé en trois minutes

Le procès de Dominique Pelicot, qui a débuté le 2 septembre 2024, est déjà qualifié d’historique et se déroulera jusqu’au 20 décembre 2024 devant la cour criminelle du Vaucluse. Ce retraité de 71 ans a usé de la soumission chimique pour livrer sa femme, Gisèle Pelicot, inconsciente, à plusieurs dizaines d’hommes recrutés sur le site Internet coco.fr. Pendant près de dix ans, la victime a subi plus de quatre-vingt-dix viols à son insu.

Cinquante et un hommes ont été identifiés et ils comparaissent aux côtés de Dominique Pelicot. Ces violeurs, aujourd’hui âgés de 30 à 74 ans, sont tous issus de milieux différents et exercent, pour une partie d’entre eux, des professions d’utilité publique.

Dans cette vidéo, nous revenons sur ce que l’on sait de cette affaire et nous expliquons la stratégie minutieusement ficelée de Dominique Pelicot.

Si vous souhaitez en savoir plus sur le profil des agresseurs, nous vous invitons à lire l’enquête ci-dessous.

« Comprendre en trois minutes »

Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram et Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.

Le Monde avec AFP

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