Au procès de l’assassinat de Samuel Paty, la principale du collège raconte la « fatwa » qui a conduit à la décapitation du professeur

2556


Devant le collège du Bois-d’Aulne, hommage à Samuel Paty, assassiné le 16 octobre, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 19 octobre 2020.

Quand elle s’est avancée vers la barre des témoins avec son air déterminé, sa jupe droite noire et sa veste grise à coudières, mardi 12 novembre, on a tout de suite compris que la déposition d’Audrey F., la principale du collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), où exerçait Samuel Paty, serait sobre et méthodique. Et que son témoignage devant la cour d’assises spéciale de Paris allait se révéler extrêmement précieux pour comprendre l’engrenage infernal qui a conduit à l’assassinat du professeur d’histoire-géographie, le 16 octobre 2020.

Précieux, tout d’abord, parce que, à la différence de Samuel Paty, qui n’a jamais eu l’occasion de connaître ses accusateurs, Audrey F. a rencontré les deux hommes à l’origine de la « fatwa », c’est le terme qu’elle emploie, qui a conduit à sa décapitation. Précieux, aussi, parce qu’elle a pris en note tous les événements qui se sont enchaînés pendant les dix jours précédant la mise à mort du professeur.

Tout débute le 7 octobre 2020, quand la principale décide de sanctionner une collégienne, Z., par deux jours d’exclusion pour des « incivilités » et des « absences » répétées. Une sanction sans lien avec le cours donné la veille par Samuel Paty, dont Z. était d’ailleurs absente. Mais ce n’est pas ce que la collégienne a dit à ses parents : elle leur a affirmé avoir tenu tête à son professeur, qui aurait demandé aux élèves musulmans de quitter la classe avant de projeter des images du Prophète « nu ».

Le lendemain matin, la principale apprend que le père de la collégienne, Brahim Chnina, attend devant l’établissement pour la rencontrer et qu’il est accompagné par un deuxième homme. Elle accepte de les recevoir dans son bureau, afin d’« apaiser la situation ». Le deuxième homme, Abdelhakim Sefrioui, un vieux routard de l’activisme islamiste, se présente comme « responsable des imams de France », ce qu’il n’est pas.

« Si on avait été juifs… »

A mille lieues d’une banale conversation avec un parent d’élève contrarié d’apprendre que sa fille a été sanctionnée, voire discriminée, l’entretien tourne immédiatement autour de la question du blasphème : « C’est M. Sefrioui qui va prendre le “lead”. Il refuse qu’un “voyou” utilise la liberté d’expression pour montrer une caricature du Prophète, ce qu’il appelle une “offense du sacré”, et me demande plusieurs fois de virer ce “voyou”… »

La principale tente de ramener les deux hommes à la raison et de « recentrer » le débat sur ce qui est réellement reproché à la jeune fille. « M. Sefrioui a un instant de recul. J’ai l’impression qu’il se rend compte que l’exclusion n’a rien à voir avec le cours de M. Paty. Mais ça ne va pas durer… Il menace de revenir avec des “musulmans” pour manifester devant l’établissement. J’essaie de reprendre la main avec M. Chnina en lui proposant de venir le lendemain rencontrer M. Paty. Il me dit qu’il est hors de question qu’il se retrouve face à ce “voyou”… »

Il vous reste 44.1% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link