Au Chili et Guatemala, les adoptions illégales enfin reconnues au sommet de l’Etat

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Sean Ours et Emily Reid embrassent pour la première fois leur mère biologique, Sara Melgarejo, à leur arrivée à l’aéroport de Santiago du Chili, 18 février 2024.

Dans le monde entier, des milliers d’enfants ont été volés puis adoptés de façon irrégulière, à partir des années 1960. En Amérique latine, pratiquement tous les pays ont connu des trafics d’enfants, adoptés surtout en Amérique du Nord et en Europe. Ces enfants aujourd’hui adultes n’ont jamais reçu de réponse à leurs interrogations, ni dans leur pays d’origine ni dans celui d’adoption, se heurtant à l’inaction des Etats à reconnaître leur situation.

Mais au Chili et au Guatemala, de récentes déclarations des présidents Gabriel Boric et Bernardo Arevalo, qualifiées d’« historiques » par les associations d’adoptés, pourraient marquer un tournant décisif. Les deux chefs d’Etat de gauche ont récemment évoqué publiquement le sujet des adoptions illégales. Une première.

Samedi 1er juin, Gabriel Boric a ainsi reconnu que les adoptions « forcées ou irrégulières » au Chili pourraient avoir concerné plus de 20 000 personnes des années 1960 à la fin des années 1990. « Ceci est très grave et cela se sait peu », a-t-il souligné lors de son discours annuel de la « Cuenta Publica », où le président dresse le bilan de son action de l’année précédente et annonce sa politique à venir, une allocution très suivie.

Loi du silence

La déclaration a été accueillie avec soulagement par les associations. Pour Marisol Rodriguez Valenzuela, présidente de la fondation Hijos y Madres del Silencio (« enfants et mères du silence »), cela change la donne. « Avant, c’était tabou, on ne parlait pas de ce trafic d’enfants. Maintenant, avec ce qu’a dit le président, on ne peut plus fermer les yeux. Cela ouvre la porte à ce que l’on puisse continuer à demander que justice soit rendue », se réjouit-elle.

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Cette loi du silence, qui dure depuis des décennies, s’explique en grande partie par la connivence étatique dans ce trafic, bien que les adoptions – qui sont produites pendant la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), mais pas seulement – aient été gérées par des agences privées.

« Des gens importants au sein de l’Etat étaient impliqués, expose Marisol Rodriguez Valenzuela. Il y avait des juges, des avocats, des assistantes sociales, des médecins… Des gens toujours influents aujourd’hui. » A l’époque, une technique communément utilisée, au Chili comme au Guatemala, était de faire croire aux mères, à l’hôpital, que leur enfant était mort.

Un business juteux

Lors de son discours du 1er juin, Gabriel Boric a annoncé la création d’un bureau interinstitutionnel pour « aborder » ce sujet, des familles « ayant besoin d’appui pour se retrouver et connaître leur propre histoire et identité ». Mais pour le moment, la militante ne crie pas encore victoire. En effet, ce n’est pas la première fois que justice et aide étatique sont promises au Chili, sans jamais avoir été suivies d’avancées concrètes. Une enquête judiciaire, mise en place en 2018, est au point mort, même si un récent changement de juge pourrait débloquer la situation.

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