A Tahiti, les petits arrangements des procureurs avec la police

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C’était un beau symbole : le commissaire divisionnaire Mario Banner est le premier et le seul Polynésien à commander, depuis 2017, la puissante direction territoriale de la police nationale (DTPN) à Tahiti, un service de trois cent vingt-huit personnes. La plupart des cadres de l’administration viennent de métropole, comme dans la magistrature, qui ne compte qu’un Polynésien sur quarante-six magistrats. Malheureusement, le ministère de l’intérieur a été saisi de plusieurs cas de souffrance au travail dans la police tahitienne, et a depuis longtemps quelques inquiétudes à propos de son directeur.

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L’inspection générale de la police nationale (IGPN, la « police des polices ») a ainsi rendu le 17 février 2023 un rapport plutôt sévère. Le bilan de la DTPN « n’est pas satisfaisant », relèvent les inspecteurs. Mario Banner, 62 ans, s’est attribué, « à tort, le rôle de chef d’état-major qu’il ne remplit pas » et il est secondé par un copain d’enfance, écarté des renseignements territoriaux « du fait de son comportement arrogant et intempérant ». Le nombre d’infractions contre les stupéfiants, censées être une priorité à Tahiti, a baissé de 41 % en deux ans, et le commissaire, dans le rapport, en a pris pour son grade.

« Mario Banner-Martin, de longue date, à l’oral comme dans ses écrits, tient des propos injurieux à l’égard des partenaires institutionnels, révèle l’IGPN. Il a également eu des comportements discriminants à l’égard de certaines collaboratrices. » Selon le rapport, il « abuse de ses prérogatives de chef de service » et « de très nombreux témoignages relatent son intempérance fréquente l’après-midi ». La cheffe d’état-major et son adjointe, à bout de nerfs, ont porté plainte contre lui pour « harcèlement » et « menaces ». Mario Banner a alors ouvert une enquête prédisciplinaire contre l’adjointe, après un rapport de trois agents qui l’accusent de tenir des propos racistes – ce qu’elle nie. La brassée de plaintes a été dépaysée à Nouméa, et confiée à une juge d’instruction qui devrait se rendre cet été à Papeete.

« J’ai pris connaissance de votre diarrhée verbale »

Les inspecteurs de l’IGPN estiment que « Mario Banner-Martin a démontré son incapacité, d’une part à protéger plusieurs collaborateurs, d’autre part à remédier à leur souffrance psychique ». Ils ont tranché : « A défaut que Mario Banner-Martin décide de lui-même de quitter son poste, sans préjuger d’éventuels manquements imputables qu’une enquête administrative prédisciplinaire pourrait déterminer, nous proposons une mutation sans délai de Mario Banner-Martin dans l’intérêt du service. » Interrogé par Le Monde, le chef de la police n’en est toujours pas revenu. « L’enquête de l’IGPN ne m’a jamais été notifiée, et j’en ignore tous les termes », a répondu Mario Banner.

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