A Albi, soupçon de traite d’êtres humains dans un restaurant

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C’est un immense hangar transformé en restaurant. Un de ces buffets à volonté asiatiques où l’on s’arrête, en famille ou entre collègues. Pour 17,50 euros, le midi, on peut y manger sans limites. Niché entre une salle de fitness et un supermarché, dans une zone commerciale sans charme d’Albi, Les Saveurs gourmandes a fait de sa taille un argument de notoriété. Ouvert en octobre 2023, il est l’un des plus gros établissements de la région Occitanie, capable de servir mille couverts par jour.

Le 29 avril, à la faveur d’un contrôle des services de l’Etat, six travailleurs sans papiers y ont été découverts – sur la vingtaine d’employés du restaurant –, hébergés à l’étage dans des conditions déplorables. L’arrêté pris le 7 mai par la préfecture du Tarn, qui annonce la fermeture de l’hébergement, décrit une dizaine de chambres de moins de 5 mètres carrés, sans fenêtres, avec des matelas parfois posés au sol et sans draps, des bouteilles emplies d’urine, une odeur nauséabonde… Le parquet d’Albi a ouvert une enquête préliminaire pour « conditions d’hébergement indignes » et « travail dissimulé », tandis que les travailleurs ont déclaré des rémunérations inférieures au minimum légal.

Alertée de la situation par l’inspection du travail, la CGT dénonce des faits susceptibles de relever de « traite des êtres humains ». Le sort réservé aux six salariés, qui officiaient comme serveur, plongeur ou encore commis de cuisine, est pourtant sévère. Licenciés, ils sont convoqués en octobre devant le tribunal judiciaire d’Albi pour usage de faux documents d’identité. Deux salariés ont en outre reçu une obligation de quitter le territoire et les quatre autres font l’objet, en application du règlement de Dublin, d’arrêtés de transfert vers l’Espagne, pays par lequel ils sont arrivés en Europe. Dans l’attente de leur éloignement, tous ont été assignés à résidence dans le Tarn et émargent au commissariat d’Albi deux fois par semaine.

« Traité comme un délinquant »

« Mon client est traité comme un délinquant alors que c’est une victime qui doit être régularisée », dénonce Martin Lescarret, l’avocat d’un des travailleurs, Mohammad Rasel. Sollicitée par Le Monde, la préfecture du Tarn n’a pas donné suite. Me Lescarret a réussi à faire sauter la mesure d’assignation de son client bangladais, justifiée par le préfet en raison du « trouble grave à l’ordre public » qu’aurait constitué le comportement de Mohammad Rasel. Une appréciation retoquée par le juge administratif.

Le jeune homme de 26 ans raconte avoir été approché à Paris par un compatriote, qui lui a proposé un travail à Albi et indiqué de se rendre sur place. C’était en octobre 2023, juste avant l’ouverture du restaurant. A la gare d’Albi, l’un des gérants de Saveurs gourmandes, un ressortissant chinois, aurait récupéré le Bangladais, lui demandant ses documents. « J’avais une attestation de demande d’asile », relate Mohammad Rasel. Pas de quoi être autorisé à travailler. « Le patron m’a dit d’appeler le Bangladais qui m’avait recruté pour régler ça. Il m’a envoyé un faux récépissé de demande de titre de séjour pour 500 euros. »

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