C’est son premier déplacement sur le littoral depuis sa prise de fonction, il y a deux mois. Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, devait se rendre dans le Pas-de-Calais, vendredi 29 novembre, pour y parler des enjeux migratoires avec les élus du territoire et rencontrer les acteurs du secours en mer, sous pression. Depuis le début de l’année, 35 000 personnes ont rejoint l’Angleterre à bord de canots pneumatiques. Et au moins soixante-douze sont mortes en tentant ces traversées. C’est plus que sur l’ensemble des cinq dernières années.
Une réalité qui percute les services judiciaires. Le parquet de Boulogne-sur-Mer a ainsi ouvert dix-sept enquêtes sur des naufrages ayant entraîné des morts. Par ailleurs, dix procédures ont été récemment ouvertes suite à des découvertes de corps sur les plages du littoral ou en mer. « L’objectif est de donner une identité aux corps et de lier cette identité à un naufrage », explique le procureur Guirec Le Bras.
Dans l’esprit de nombreuses personnes, nul doute qu’ils sont à relier au naufrage survenu le 23 octobre au large de Blériot-Plage (Pas-de-Calais). Officiellement, quarante-cinq personnes ont été secourues et trois corps repêchés dans la zone du naufrage.
Rapidement, des témoignages de rescapés ou des proches de personnes disparues ont toutefois fait apparaître un bilan beaucoup plus lourd, d’une quinzaine de victimes. « Plusieurs associations et des personnes ont fait remonter l’information dans les jours qui ont suivi le naufrage, se souvient Flore Judet, de l’association l’Auberge des migrants. On transmet les informations qu’on collecte sur le terrain, le nom, des photos, des signes distinctifs, et les contacts des proches qui sont parfois reçus… Les services de police et de gendarmerie n’allant pas sur le terrain, ils comptent beaucoup sur nous. »
Mais pour les autorités, il est encore trop tôt pour faire un lien entre les corps rendus par la mer et l’embarcation qui s’est disloquée le 23 octobre. Chaque cadavre fait donc l’objet d’une enquête à part, confiée, au choix, à un service de police ou de gendarmerie du Pas-de-Calais (Calais, Wissant, Beau-Marais, Boulogne-sur-Mer…), selon le lieu de la découverte macabre. Un éclatement géographique qui suscite l’incompréhension d’associations qui font état d’un manque d’organisation des services d’investigation. « Pour chaque corps, c’est une personne différente qui enquête. Comment peut-on s’y retrouver si personne ne fait le lien entre elles ? », s’interroge Amélie Moyart, d’Utopia 56.
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