voyage au cœur des terres trumpistes du Midwest

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Lors de la parade 4-H de la Cherry County Fair, à Valentine (Nebraska), en août 2024.

C’est l’histoire d’un Midwest, à deux visages, celui des deux candidats à la vice-présidence des Etats-Unis en 2024. Ces grandes plaines, qui s’étendent des Appalaches aux Rocheuses, territoires oubliés qu’on survole de New York à la Californie sans s’y arrêter, sont une des clés du vote lors des élections de novembre. Le Midwest sombre est incarné par le républicain J. D. Vance, 40 ans, colistier de Donald Trump, qui raconta son parcours en 2016 dans son autobiographie, Hillbilly Elegy (Harper, 2020) : une famille détraquée par la violence et la drogue, descendue des collines des Appalaches dans le Kentucky, et échouée dans la ville sidérurgique de l’Ohio, Middletown, cité au milieu de rien devenue symbole de la Rust Belt, la « ceinture de la rouille » désindustrialisée dont les électeurs désespérés firent la victoire de Donald Trump il y a huit ans.

En face, le Midwest de Tim Walz, le colistier de Kamala Harris, qui a grandi à Valentine dans les plaines désertes du Nebraska : un ancien enseignant et entraîneur sportif de 60 ans aux airs de grand-père, qui appelle à se préoccuper de ses voisins, diffuse un message de joie et de fraternité dans une Amérique en quête de réconciliation. « Quand vous grandissez dans une petite ville comme cela, vous apprenez à prendre soin de chacun, avait-il insisté à la convention démocrate de Chicago en août. La famille au bas de la rue, ils peuvent ne pas penser comme vous, ils peuvent ne pas aimer comme vous, mais ils sont vos voisins, vous faites attention à eux, et ils font attention à vous. » Son arrivée sur la scène politique, dans la foulée de Kamala Harris, a bouleversé l’atmosphère politique. L’Amérique de 2024 n’est pas celle de 2016 : les plaies de la dépression de 2008 pansées, un autre récit semble possible. A celui noir de Donald Trump, fait de désespérance, de territoires minés par la drogue et de guerre civile larvée, peut soudain émerger le retour optimiste de l’esprit pionnier, qui permettrait au démocrate de séduire en partie les classes blanches populaires et agricoles du Midwest.

Réalité ou illusion ? Pour en avoir le cœur net, direction Valentine, dans le nord-ouest du Nebraska. Il faut d’abord prendre l’avion pour Omaha, ville des éleveurs de bétail et du milliardaire Warren Buffet, sur les rives du Missouri, puis rouler plus de cinq heures vers l’ouest. Greniers à grains, magasins de matériel agricole John Deere, le paysage est bien morne et invite à une pause chez un fermier progressiste, Art Tanderup, qui combattait sous Donald Trump le passage de l’oléoduc Keystone XL sur ses terres. Le septuagénaire, qui possède des panneaux solaires et une voiture électrique, est radieux. « On est superexcité. Tim Walz a beaucoup de racines dans le Nebraska, il a passé le bac de l’autre côté de la route, à 85 miles [137 kilomètres] de là », se réjouit-il, donnant une idée des distances et laissant augurer un vrai changement d’esprit.

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