L’université de Tel-Aviv, un campus au garde-à-vous

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Est-ce un campus ou une caserne ? Au bout de six mois de guerre, l’université de Tel-Aviv demeure au garde-à-vous. En cette période d’examens de printemps, ordinairement studieuse, des étudiants, réservistes de l’armée de retour de Gaza, errent, confus, sous les arbres, incertains de ce qu’ils doivent faire d’eux-mêmes, en attendant leur rappel sous les drapeaux. Les étudiants arabes (15 % des effectifs) rasent les murs, atterrés par ces six mois d’offensive, que nombre d’entre eux nomment en privé un « génocide ». Dans ce bastion de la pensée libérale israélienne, toute conversation critique sur le conflit en cours à Gaza, sur la manière dont l’armée le mène et sur les victimes palestiniennes – 33 000 morts –, est douloureuse, presque impossible.

Oded Strauss est l’un des 6 000 étudiants du campus mobilisés le 7 octobre 2023 – une vague immense qui a emporté sous l’uniforme plus d’un élève sur cinq, jusqu’à un sur trois dans les facultés d’ingénieurs. Par solidarité avec eux, le début de l’année scolaire a été repoussé de deux mois, jusqu’en décembre. Oded a d’abord été envoyé au pourtour de Gaza : il a aidé à évacuer les habitants de Sderot et à sécuriser le périmètre où l’on cherchait les corps des 1 200 victimes de l’attaque du Hamas. Puis il est entré dans l’enclave avec son unité d’infanterie, jusqu’en décembre.

Oded Strauss, étudiant à l’école de film et télévision de l’Université de Tel Aviv, a été recruté de novembre à décembre pour servir à Gaza dans la 16e brigade d’infanterie de Jérusalem. A Tel Aviv, le 1er avril 2024.

Ses camarades de fac n’ont aucune gêne à l’interroger sur sa guerre, mais il peine à leur répondre. « J’ai l’impression qu’ils veulent entendre quelque chose qui n’est jamais arrivé », dit l’étudiant en cinéma de 28 ans, spécialisé en réalité virtuelle. « Je n’ai pas d’histoires héroïques à raconter. Je n’ai tiré sur personne, je n’ai sauvé personne. C’était juste un jour de travail après l’autre… Des jours normaux en enfer. »

Sa brigade a passé un mois à séparer hommes et femmes, parents et enfants palestiniens sur la route Saladin, à la sortie d’un quartier industriel désert, ruiné par les bombes israéliennes, dans le sud de la métropole de Gaza. Le jeune homme a contribué au principal accomplissement stratégique de l’armée : l’expulsion de un million d’habitants vers la périphérie sud de l’enclave. Ces déplacés ignorent s’ils pourront un jour rentrer chez eux.

Illusions perdues

« Je me souviens d’un bus de patients de l’hôpital Al-Shifa, des blessés pour la plupart, certains ne pouvaient même pas marcher. L’un d’eux transportait le sac de liquide de sa perfusion, un autre hallucinait à voix haute », raconte-t-il. Oded juge que ce déplacement de population était « nécessaire, pour les mettre à l’abri ». Il affirme ne rien savoir des accusations de mauvais traitements formulés par d’anciens détenus gazaouis : « Nos médias n’en parlent pas », constate-t-il. Le quotidien de gauche Haaretz a cependant dénombré vingt-sept morts, depuis le 7 octobre, dans les lieux de détention de l’armée, en Israël, auxquels nul observateur n’a accès.

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