« Grandir à la campagne, c’est vivre loin, mais au calme »

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Dans le car Ruffiac-Ploërmel, tôt le matin du 23 février 2024.

Les essuie-glaces chassent la bruine qui s’accroche au pare-brise du car scolaire. Le chauffeur, Sébastien Poullin, ralentit. Il fouille du regard la pénombre de ce lieu-dit de Ruffiac, commune du Morbihan d’un millier d’habitants, et souffle : « Ici, il n’y a pas d’Abribus. Il doit être quelque part par là… » Capuche sur la tête, sac sur l’épaule, Giovanni surgit effectivement du bord de cette route sans marquage au sol. Il est 6 h 52, ce vendredi 23 février, veille de vacances scolaires. L’adolescent de 16 ans monte dans le car et adresse un hochement de tête au chauffeur. Un bonjour taiseux, qui laisse deviner combien l’élève de 1re s’est bagarré avec son réveil ce matin. « Quand on habite à la campagne, on n’a pas le droit de rater son car. Il n’y en a qu’un qui passe. Si je le manque, je reste bloqué à la maison pour la journée », explique Giovanni. Il ne se plaint pas. La vie à la campagne impose cet isolement. Dans son lycée, à Ploërmel (Morbihan), ils sont nombreux à habiter « loin ». Ce n’est ni un choix ni une fatalité pour lui. C’est ainsi.

Un adolescent dans le car Ruffiac-Ploërmel, le 23 février 2024.

Quelques rangs plus loin, Adrien somnole, la tête posée contre son blouson, pour amortir les vibrations de la vitre. Dehors, la campagne bretonne défile. Le jeune homme, en terminale, ouvre les yeux et observe un champ dominé par un sous-bois : « J’aime ces paysages, cette nature, le grand air. Le calme de la campagne me plaît davantage que le bruit et l’agitation de la ville. » Ici, on se connaît. On s’entraide « sans doute plus facilement ». Dans le car, ils sont nombreux à évoquer cet aspect. Adrien poursuit, vantant le dense tissu associatif. Son père participe, par exemple, à l’organisation d’une course à pied pour soutenir financièrement un enfant malade du coin.

« Solidarité et débrouille »

Le lycéen en est persuadé, la campagne impose un esprit « de solidarité et de débrouille ». Lou opine à l’arrière du car. Cette élève de 1re, filière STMG, qui se rêve commissaire de police, raconte ses « solutions » pour ne pas vivre en « ermite ». Chaque week-end, la lycéenne de 16 ans réussit à sortir grâce à un parent ou une connaissance qui accepte de la véhiculer. Parfois, elle s’invite à dormir chez une copine pour ne pas manquer une soirée. Sinon, il y a le vélo ou la marche.

Tandis que le car traverse le bourg de Missiriac, Barnabé passe en revue ses « options » pour cet après-midi. Le jeune homme de 17 ans, en terminale, doit quitter le lycée à midi pour « monter » à Rennes pour un entretien dans une école de communication. En car ? Non, il n’y en a pas à cette heure-là. En train ? Pas de gare à proximité. Ses parents ? Ils travaillent. Finalement, la solution viendra de sa tante, qui a accepté de l’y conduire. Barnabé assure : « Bientôt, je passerai mon permis. La voiture, ici, ça change tout. C’est la liberté. »

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