au Portugal, près de Lisbonne, le camping sauvage des travailleurs précaires

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Il est 8 h 30, ce mercredi 28 février, et, un par un, des hommes et des femmes se frayent un chemin, à intervalles irréguliers, sous les arbres du parc de la Quinta dos Ingleses, à Lisbonne. Les yeux ensommeillés, ils sortent de leur tente. Après avoir traversé le terrain vague qui fait face à la plage de Carcavelos, prisée des surfeurs, et longé l’école privée huppée britannique St Julian’s School devant laquelle défilent des voitures de luxe, ils rejoignent la station de train afin de se rendre à leur travail, à Lisbonne.

« Il me fallait débourser 400 euros par mois pour une chambre en ville, ce qui, avec mon salaire de 800 euros, me laissait à peine de quoi vivre », explique Andreia Costa, 49 ans, menuisière brésilienne et femme de ménage dans des appartements touristiques lisboètes. Installée au Portugal depuis un an et demi, elle est venue planter sa tente à la Quinta dos Ingleses en septembre 2023, après en avoir entendu parler par un ami. « J’ai établi une stratégie et pris cette décision avec un objectif : pouvoir économiser pour m’acheter une caravane où vivre dignement. »

Si le gouvernement portugais a augmenté le salaire minimum de près de 8 % en 2024, le portant à 820 euros par mois (durant quatorze mois par an, soit 950 euros sur douze mois), de plus en plus proche du salaire moyen (1 050 euros net), les loyers, eux, ont encore flambé de plus de 20 % en 2023 dans la capitale, selon les statistiques du portail immobilier Idealista. En trois ans, les prix à la location ont ainsi bondi de 50 %, et doublé en sept ans.

Andreia Costa, femme de ménage et menuisière brésilienne de 49 ans, devant son campement, à la Quinta dos Ingleses, à Carcavelos, près de Lisbonne, le 28 février.

Clouée à un arbre, une pancarte indique l’entrée du campement d’Andreia, qu’elle a baptisé avec ingénuité le « condominium des campeuses brunes » et qu’elle partage avec une amie, cuisinière. Cette dernière, Marcia Alvaro, 42 ans, louait auparavant un lit dans une chambre pour 250 euros par mois. A présent, chacune vit dans une des deux grandes tentes qui se font face. Elles ont aménagé une cuisine avec des réchauds à gaz et une douche précaire sous une tente verticale où se trouve un seau, rempli à la rivière.

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« La ville n’est plus pour nous »

Comme elles, plus d’une trentaine de travailleurs précaires, essentiellement des Brésiliens, mais aussi quelques Portugais et un Angolais, ont choisi de vivre sous une tente, à une vingtaine de kilomètres au nord de Lisbonne, plutôt que de dépenser l’essentiel de leur maigre salaire pour un logement précaire. Nelson Figueira, 21 ans, commence un nouvel emploi comme commercial, après quelques mois comme travailleur dans la construction. Habi, ouvrier métallurgiste, est déjà parti il y a une heure, explique sa femme, Suazi Viegas, 36 ans. Il y a six mois, le couple a quitté le T2 qu’ils partageaient avec cinq autres personnes à Lisbonne pour 400 euros par mois, préférant vivre sous une tente à la promiscuité et au manque d’intimité que leurs faibles revenus leur imposaient.

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