« 20 jours à Marioupol », de Mstyslav Chernov, ou le récit d’un anéantissement

2555


Image extraite du documentaire « 20 jours à Marioupol », de Mstyslav Chernov. Des habitants réfugiés dans un théâtre à Marioupol, en Ukraine, le 6 mars 2022.

Les rares images du siège de Marioupol, c’est à eux qu’on les doit. Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka, journalistes ukrainiens à l’agence Associated Press (AP), sont les seuls représentants de la presse internationale à être restés dans cette ville du sud de l’Ukraine après le début de l’invasion russe, le 24 février 2022. Pendant vingt jours, ils ont documenté le supplice de ses habitants, coupés du monde, privés de réseaux téléphoniques, d’électricité, d’eau, de chauffage, de nourriture, et soumis aux bombardements incessants des troupes russes.

Lire le témoignage (en mars 2022) : Article réservé à nos abonnés « A Marioupol, on peut mourir à chaque instant »

Leur témoignage, exceptionnel, sort aujourd’hui sous la forme d’un documentaire, 20 jours à Marioupol, nommé aux Oscars, récompensé aux Bafta et diffusé depuis mercredi 21 février sur le site de France.tv, puis dimanche 25 février à 22 h 15 sur France 5. Le film, réalisé par Mstyslav Chernov, montre comment la Russie de Vladimir Poutine a anéanti la ville – à la fois port stratégique et cible symbolique – et réduit au silence les 450 000 personnes qui y vivaient. Un document pour l’histoire.

Le premier jour de l’invasion, Marioupol offre encore le visage d’une ville ordinaire. Dans la rue, les drapeaux ukrainiens flottent au vent. « Les guerres ne commencent pas par des explosions, mais par le silence », explique le réalisateur en voix off. Il croise une vieille dame en pleurs, affolée, qui ne sait où se cacher. « Rentrez et restez chez vous, ils ne tirent pas sur les civils », la rassure-t-il. Quelques jours plus tard, il la recroise dans un abri bondé après le bombardement de son quartier. « J’avais tort, reprend la voix off. Je lui présente mes excuses. » Les troupes russes n’ont jamais cessé de prendre les civils pour cible.

Quotidien de l’hôpital

Mstyslav Chernov suit le quotidien de l’hôpital, bientôt submergé par les victimes. Les médecins tentent de ranimer Evangelina, 4 ans, grièvement blessée dans une attaque de missile, et qu’ils ne parviendront pas à sauver. Le journaliste filme tout, les mains qui tremblent de peur, la douleur des parents, les brancards qui se bousculent, les soignants qui fondent en larmes, sursautent au son des attaques et courent dans les couloirs pour tenter de sauver un adolescent blessé, le geste de protection dérisoire d’une infirmière, un bébé dans les bras, la pénurie d’antalgiques, les cadavres qui s’accumulent au sous-sol puis débordent à l’extérieur du bâtiment, la fosse commune… « Quel crime ont commis les habitants de cette ville ? Je ne comprends pas ce qui se passe », gémit une mère de famille.

Il vous reste 54.23% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link