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Invité le 9 février par BFM-TV à s’exprimer sur le devenir du droit du sol à Mayotte, une nouvelle fois amoindri par une proposition de loi adoptée à l’Assemblée nationale, le ministre de la justice, Gérald Darmanin, a avancé que la nation n’existe en France « que par le consentement des gens qui la composent ». Présenter la nation comme le résultat d’une adhésion volontaire à un projet politique lui permettait sans doute de convoquer en creux la figure tutélaire d’Ernest Renan [1823-1892] : la nation n’est-elle pas en France un « plébiscite de tous les jours », comme le professeur au Collège de France l’avait affirmé en 1882 ?
Mais la suite de l’intervention télévisée du ministre de la justice faisait appel à une tout autre histoire et à un tout autre imaginaire : la nationalité française ne saurait être, selon Gérald Darmanin, « automatique » pour les enfants étrangers nés sur le sol français – ce qu’elle n’est pas, puisqu’il s’agit d’une attribution conditionnelle –, et le droit du sol républicain mériterait à ses yeux d’être révisé aussi bien dans le département de Mayotte que, plus tard, dans l’Hexagone. La petite musique instillée par l’un des slogans du Front national, forgé en 1985 par [l’ancien député européen] Jean-Yves Le Gallou, « La France, ça s’hérite ou ça se mérite », se fait ainsi de plus en plus entendre dans le débat public. Plus que la conception méritocratique, c’est en réalité une vision biologique du lien national qui s’impose au-delà même de l’extrême droite, à l’heure où l’idée fausse de la « submersion migratoire » est relayée par le chef du gouvernement, François Bayrou.
Attaquer le droit du sol est un geste lourd de sens, et le contexte international au sein duquel ces brèches sont ouvertes dans le soubassement même de notre histoire républicaine ne peut être ignoré. Aux Etats-Unis, le président Donald Trump n’a-t-il pas voulu revenir lui aussi sur ce qu’il qualifie de principe « ridicule », par un décret immédiatement censuré, eu égard au caractère constitutionnel du droit du sol ?
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