« Une politique volontariste de prévention des conflits d’intérêts apparaît aujourd’hui nécessaire en Europe »

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Il y a un peu plus d’un an, en décembre 2022, le « Qatargate » provoquait un profond malaise dans la société européenne. Il faisait apparaître un système corruptif impliquant un ancien parlementaire directeur d’ONG, des assistants parlementaires et des députés européens. Il confirmait ce que la médiatrice européenne et nombre d’associations et ONG pointaient depuis longtemps : les processus décisionnels qui président à la régulation d’un marché unique de 450 millions d’habitants et de 22 millions d’entreprises sont soumis à un puissant lobbying, dont les acteurs se sont diversifiés et professionnalisés au fil du temps.

L’enquête pénale engagée par la justice belge risque aujourd’hui l’enlisement, ce qui confirme la fragilité de la protection pénale de la démocratie européenne. Quant au front politique, sa réponse est restée modeste, les décideurs européens ayant fait le choix de la continuité en réformant à la marge des dispositifs anticonflits d’intérêts qui font la part belle au droit non contraignant des chartes et autres codes de conduite, et à l’autorégulation dans le cadre de comités d’éthique constitués au sein de chacune des institutions européennes.

La proposition de création d’un organe éthique européen, formulée en juin 2023 par la Commission, peine à convaincre, ses pouvoirs étant cantonnés à un simple travail d’harmonisation des standards des institutions européennes en matière de transparence et de conflits d’intérêts. Et si la présidente de l’assemblée européenne a bien porté une modification du règlement intérieur du Parlement (le « plan Metsola »), notamment pour interdire le pantouflage des eurodéputés dans les six mois suivant la fin de leur mandat, les autres mesures proposées se bornent à renforcer la transparence, déjà mise en place par plusieurs obligations : certains agents publics européens doivent publier leurs déclarations d’intérêts ainsi que leurs agendas, tandis que les lobbyistes doivent s’inscrire au registre du Parlement européen.

Continuum de menaces

Or, si la transparence a incontestablement des vertus démocratiques, notamment pour documenter les pratiques d’influence, elle ne peut pas tout : elle ne dissuade pas efficacement du passage à l’acte en matière de corruption et trafic d’influence, et elle n’empêche pas les conflits d’intérêts d’exister, ceux-ci soient-ils connus.

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En somme, face au continuum de menaces qui pèsent sur elle, la démocratie de l’Union témoigne d’un bien faible souci de soi. Pourtant, l’enjeu est considérable : il ne s’agit pas simplement de protéger la réputation des institutions européennes, voire celle du projet européen comme il a été dit trop souvent, car ce sont avant tout les citoyens européens qui sont les victimes diffuses d’une corruption qui mine la capacité future de l’Union européenne (UE) à répondre de manière légitime aux défis monumentaux de notre époque (guerre et paix, transition écologique, inégalités sociales, etc.).

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