La sclérose en plaques est une maladie auto-immune qui se manifeste plus fréquemment chez les personnes originaires du nord de l’Europe, et dont la prévalence a augmenté ces cinquante dernières années. Cette hausse des cas indique que son déclenchement relève d’une combinaison mal cernée de facteurs environnementaux et génétiques.
Une série d’études publiées dans la revue Nature suggère que des migrations de populations pratiquant le pastoralisme survenues il y a cinq mille ans auraient contribué à augmenter le risque génétique de sclérose en plaques en Europe du Nord. Ce surrisque aurait été compensé par une protection contre les maladies transmises par les animaux (zoonoses).
Eske Willerslev (universités de Cambridge et de Copenhague) et ses collègues se sont appuyés sur plus de 1 600 génomes humains préhistoriques couvrant la population européenne depuis 34 000 ans. Ces données affinent l’histoire des vagues migratoires : après l’arrivée d’Afrique, il y a 45 000 ans, des premiers chasseurs-cueilleurs Homo sapiens, des agriculteurs du néolithique venus du Proche-Orient se sont à leur tour aventurés en Europe de l’Ouest il y a onze millle ans. Puis, il y a environ cinq mille ans, les pasteurs nomades de la steppe allant du Danube à l’Oural ont à leur tour fait route vers le Couchant.
Des maladies inflammatoires à l’âge du bronze
Ces derniers, représentants de la culture dite « Yamna », auraient apporté dans leurs bagages génétiques des mutations favorisant la survenue de la sclérose en plaques. Les chercheurs se sont appuyés sur des « études d’association pangénomiques » (GWAS, pour Genome-Wide Association Studies), qui comparent de nombreux génomes modernes pour établir des relations entre des traits physiologiques et/ou comportementaux et des mutations génétiques. Pas moins de 233 variants génétiques ont ainsi été identifiés en association avec la sclérose en plaques, notamment le variant HLA-DRB1*15:01, dont les porteurs ont trois fois plus de risques de développer la maladie.
Aujourd’hui, c’est en Finlande, en Suède et en Islande que l’on trouve la plus grande proportion de porteurs de cette mutation. Dans les populations anciennes, les Yamnayas présentent davantage ce profil génétique. L’héritage génétique steppique, plus présent au nord, expliquerait donc en partie le gradient dans la prévalence de la sclérose en plaques avec le sud de l’Europe, deux fois moins touché.
Généticien des populations à l’Institut Pasteur, Lluis Quintana-Murci juge ces résultats « très intéressants ». D’autant qu’ils concordent avec ses travaux, publiés récemment dans Cell, sur l’apparition de profils génétiques liés à des maladies inflammatoires à l’âge du bronze, il y a environ 4 500 ans. « Ces mutations protègent simultanément contre des maladies plus graves, probablement des maladies infectieuses – un phénomène appelé “pléiotropie antagoniste” », indique-t-il. A l’instar de la drépanocytose, qui protège les populations africaines du paludisme.
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