une photographie précise du phénomène des jeunes tueurs du crime organisé

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Le livre vient à peine de rejoindre les tables des librairies que les auteurs pourraient déjà y ajouter un chapitre : celui des deux meurtres commis la semaine dernière à Marseille, l’un d’un adolescent de 15 ans sauvagement poignardé et brûlé vif, mercredi 2 octobre, et l’autre d’un chauffeur de VTC de 36 ans, abattu par un garçon de 14 ans, vendredi. Nicolas Bessone, le procureur de la ville, a dénoncé dans une conférence de presse « une perte totale de repères qui va faire que des jeunes garçons vont répondre à des annonces, pas pour aller faire les vendanges ou même pour vendre de la résine de cannabis sur un point de deal, mais pour aller ôter la vie d’autrui sans aucun remords, sans aucune réflexion ». Et le « rôle des réseaux sociaux commence à nous questionner », a ajouté le magistrat, soulignant l’« amateurisme effrayant » de ces jeunes.

Ce phénomène de très jeunes hommes exécutant un meurtre pour pas grand-chose est le sujet de Tueurs à gages. Enquête sur le nouveau phénomène des shooters, l’ouvrage de trois grands reporters du Parisien, Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê, écrit au printemps et qui paraît mercredi 9 octobre. Les trois auteurs radiographient ceux dont la mort est le métier : des « shooters », âgés de 16 à 20 ans, au casier judiciaire parfois vierge. « Leurs actions au sein d’une équipe de tueurs sont leurs premiers faits d’armes liés à la criminalité organisée », selon les policiers spécialisés. Ces jeunes tueurs sont déscolarisés, sans emploi, recrutés sur les réseaux sociaux. Ils opèrent en commando : il y a un pilote pour la voiture, un ou deux tireurs, des logisticiens à l’arrière pour fournir les armes et voler les véhicules. Ils ne connaissent que le surnom du commanditaire pour lequel ils exécutent le contrat, lequel est souvent incarcéré, et ne savent pas pourquoi leur cible doit mourir.

Branche armée de la criminalité organisée, les tueurs à gages ont toujours existé, mais ils ont muté, avec pour les « shooters » des réseaux de stupéfiants une ultraviolence à la mesure de leur amateurisme. Précipitation, improvisation, tirs en rafale : leurs homicides génèrent beaucoup de victimes, parfois collatérales, comme le petit Fayed, 10 ans, à Nîmes, ou Socayna, l’étudiante en droit de 24 ans, à Marseille.

De loin, la litanie des narchomicides semble brouillonne et absurde. Grâce à de nombreux nouveaux éléments d’enquête, le livre des trois journalistes apporte une forme de sens et permet de mieux appréhender cette violence aussi endémique qu’incompréhensible. Ainsi, le texte s’ouvre par la description du jet de glaçon le plus célèbre de la délinquance française : la légende urbaine selon laquelle deux chefs de Mafias opposées, celui de la DZ et celui des Yoda, se seraient invectivés à coups de morceaux de glace dans la station balnéaire de Phuket, en Thaïlande, « pour une meuf ». Cet affront aurait provoqué des dizaines de morts sur les trottoirs marseillais.

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