
« Si le programme des émissions de La Poste pour 2025 n’est pas aussi alléchant que celui de 2024 faute d’événements marquants comme ont pu l’être les Jeux olympiques, on pourra noter la présence des “grands héros de la Résistance”. Les anciens se souviennent que ces derniers avaient été l’objet d’un indéniable intérêt en étant mis en vente à la suite de cinq émissions [de timbres] distinctes étalées de 1957 à 1961. Reste à savoir si, 68 ans après et plusieurs générations du public étant disparues (…), l’engouement sera le même », s’interroge Michel Melot, dans son éditorial de Timbres magazine daté janvier.
Espérons que la réponse n’est pas dans la question… Mais, en commençant l’année 2025 avec un timbre consacré à Pierre Dac (1893-1975), humoriste, homme de radio, compagnon à la scène de Francis Blanche… et résistant, La Poste « dépoussière » plus ou moins volontairement la thématique…

Le rédacteur en chef du mensuel philatélique constate en outre que, « le Nouvel An chinois, matérialisé cette année par le serpent, tient encore une bonne place. Mais on notera aussi l’absence d’autres premiers de l’An, comme le Nouvel An juif ou le Nouvel An musulman, qui pourraient pourtant faire plaisir aux importantes communautés juives et musulmanes vivant en France ».
Peut-être La Poste est-elle sensible au « soft power » chinois dont le Nouvel An est un instrument ? Ou peut-être les émissions à répétition de timbres français sur le Nouvel An lunaire répondent-elles à une réalité économique, la bonne santé du marché philatélique asiatique dont les conséquences se font sentir jusqu’ici ?…
Timbres magazine rappelle les nouveaux tarifs postaux en vigueur à partir du 1er janvier 2025 (pour les plis jusqu’à 20 grammes).
Pour les principales augmentations, la « lettre verte » standard passe de 1,29 euro à 1,39 euro ; la lettre « services plus » passe de 2,99 euros à 3,15 euros ; la lettre verte suivie vers la France de 1,79 euro à 1,89 euro et vers l’international de 4,76 euros à 4,90 euros ; la lettre recommandée (R1) de 5,36 euros à 5,74 euros pour la France ; la lettre recommandée (R1) de 6,91 euros à 7,05 euros pour l’international, et la lettre simple pour l’international de 1,96 euro à 2,10 euros.
Sa connaissance de la musique
Attention ! Ces tarifs bénéficient d’un rabais s’ils sont imprimés à domicile : par exemple, le tarif lettre internationale n’est plus qu’à 2,04 euros au lieu de 2,10 euros et la lettre verte ne sera qu’à 1,35 euro, au lieu de 1,39 euro.

Ce numéro fait la rétrospective des timbres et des carnets parus en 2024 : « Pour acquérir l’ensemble, il a fallu débourser la somme de 750 euros (contre 720 l’an passé). La facture des produits spéciaux s’envole cette année avec plus de 730 euros (la vente des dernières feuilles “Marianne” verte, orange, violette et “Services plus” surchargées 2018-2024, 2019-2024 et 2023-2024 y est pour beaucoup) ». La philatélie va devenir par ne plus être un hobby populaire !
Le sculpteur et peintre Cyril de La Patellière rend un hommage très personnel, plein de sensibilité, à Marc Taraskoff (1955-2015). Cyril de La Patellière explique qu’il possède quatre œuvres originales de l’artiste, parmi lesquelles « la maquette au crayon du concours Marianne de 2004 qui est en réalité un portrait de l’actrice Claire Keim, son autre projet du concours de 2008 et une étude du timbre Commandant Massoud, toujours à l’aquarelle, de ses aquarelles nées de son pinceau léger, aigu et libre ».

L’auteur évoque le passé de libraire de Marc, ses études en philosophie, ses talents de cuisinier, sa connaissance de la musique (du jazz en particulier) et le millier de couvertures de livres dont il est l’auteur.

Puis, il retient deux éléments d’un rapport qui avait été commandé à Taraskoff par La Poste dans le cadre des Etats généraux de la philatélie, en 2008 : « Premièrement, il faudrait un directeur artistique compétent qui pourrait donner une sérieuse direction et impulsion créatrice graphique, ce qui manque cruellement et, deuxièmement, je le cite parce qu’il est très direct, “il faut éviter le populaire et la facilité (…). Organiser un concours ouvert à tous pour un projet de Marianne, c’est bien une idée de gens qui ne savent pas dessiner, dont ce n’est pas le métier”. Il a raison, n’est-ce pas ? (…). Le dessin est une chose trop sérieuse pour être confié à n’importe qui ». Pas sûr que Cyril de La Patellière se fasse des amis à Philaposte !

Puis ce dernier raconte ses rencontres avec Taraskoff, leurs conversations sur la typographie, l’architecture dont il appréciait la curiosité, la culture, « une soif de tout connaître ».

Derrière la faconde de l’artiste, « on pouvait déceler chez lui, dans son regard, à sa façon de baisser les yeux, à ses moindres silences, imperceptiblement, quelqu’un sur la défensive, sa part de timidité, de solitude »… Qui a conduit, peut-être, Marc à mettre tragiquement fin à ses jours.
Thématique polaire avec Jean Grillot, qui s’intéresse à des cartes-lettres très spéciales du Spitzberg produites et utilisées en 1900 « pour un nombre limité de touristes (…). Elles portent une étiquette de valeur et sont donc de véritables entiers postaux polaires, pas de simples cartes postales », explique l’expert. Article très intéressant, bien illustré, et pédagogique.
« Aux bons soins de Mr. Le Consul Joh. H. Giaever »
Curieusement, le « panneau d’adresse non illustré situé sur la face externe de cette carte pliante indique en français “CORRESPONDANCE SPECIALE/1900/SPITSBERGEN/VIA/TROMSO-NORDKAP” » sur la partie supérieure, et « Aux bons soins de Mr. Le Consul Joh. H. Giaever, TROMSO (Norvège) », dans sa partie inférieure.
L’auteur donne quelques précisions concernant ce Johannes Holmboe Giaever (1844-1920), « agent des compagnies maritimes Norddeutscher Lloyd et Hamburg America (…) [qui] a été lui-même à l’origine de nombreuses émissions, directement ou indirectement. On peut en conclure que ces cartes-lettres ont été produites avec sa participation (…), en langue française pour être utilisées uniquement pendant la saison 1900 – une saison où un seul affrètement privé français était prévu », un bâtiment du nom de Ceylon.

On en trouve rarement sur le marché. Une pièce est répertoriée par un site consacré aux bureaux de poste du Spitzberg.
Jean Grillot détaille les deux illustrations de la carte-lettre (faces intérieure et extérieure du document) avant d’étudier plusieurs utilisations :
– « Quel que soit leur point d’entrée dans le système postal, les cartes portent toutes des timbres à date circulaires du Spitzberg du 6 ou du 8 août 1900, puis du Nordkap du 13 août », les destinations observées étant Paris, Bruxelles, Hidelsheim, Copenhague, Prague, Blackheath (sud-est de Londres), Kristiania (Oslo)…
– La seconde utilisation comprend des cartes qui portent des oblitérations de Nordkap du 18 juillet 1901 et du Spitzberg du 6 août 1901. Plusieurs d’entre elles portent, en outre, une oblitération de Tromso du 6 septembre. Une carte « partie pour l’Allemagne arrive en 1903, revêtue de l’oblitération ovale Kong Harald à Nordkap, le 1er août 1903 ».
– La troisième utilisation est un peu fourre-tout, du Spitzberg en septembre 1901 arrivée à Helledalen en octobre 1902. « On note des trajets de Kristiania à Trondheim, Bergen à La Haye et Paris », etc.
– Une carte-lettre, enfin, a été utilisée tardivement, en 1905, adressée en Ecosse « et portant un cachet ovale de Hvalheim ».
Ces objets de correspondance bénéficient de « compléments d’affranchissement » « afin de payer les frais de port à l’intérieur des frontières nationales (…). Il s’agit le plus souvent de timbres français au type Sage ou de timbres de Norvège au type Cor de poste »…
Le temps est à la réorganisation
François Chauvin poursuit son étude fouillée consacrée à l’Atelier de fabrication des timbres-poste, installé à Paris, durant la seconde guerre mondiale, s’intéressant au « temps des surchargés » en 1940-1941.
En effet, explique-t-il, « le coup de force de Vichy ne peut masquer l’immense désordre dans lequel la France est plongée à partir de juin 1940 (…). Le régime multiplie les émissions de timbres en taille-douce au service de sa propagande, tandis que l’approvisionnement en valeurs courantes est dans la confusion ».
Début 1941, les fournitures en timbres ne sont pas fluides, les stocks s’épuisent, les délais d’exécution des commandes s’allongent… Le temps est à la réorganisation. L’auteur suit la consommation de papier de l’Atelier, les différentes marques imprimées sur les marges des feuilles imprimées selon leurs modes d’impression, le stockage des figurines retirées ou fautées, etc.
Rien ne devant se perdre, dès le 27 février 1940, le bureau de l’exploitation postale donne des instructions précises : « En raison des difficultés d’obtenir des fournitures de papier, il importe de tirer parti au maximum des approvisionnements existants. En conséquence, vous voudrez bien garder en stock les timbres dont il s’agit, qui pourraient être utilisés éventuellement après avoir été revêtus de surcharges appropriées. »
C’est ainsi que les types « Paix », « Cérès », des commémoratifs divers et des timbres périmés d’Algérie sont surchargés de valeurs en cours.
La pénurie n’affecte pas seulement le papier ! Le tarif passé par exemple de 90 centimes à 1 franc le 1er décembre 1939 conduit à réimprimer un 1 franc au type « Iris » vert (émis le 16 mai 1939) en rouge en décembre. Mais, « par pénurie d’encre, l’impression reprend en vert du 16 avril au 3 août 1940 », avant de reprendre en rouge à compter du 17 septembre ! Système D toujours, « à ces deux 1 franc “Iris” s’additionnent de décembre à mars 1941 sept surchargés 1 franc sur des valeurs retirées : trois au type “Paix”, trois au type “Cérès” et le 2,15 francs “Mineurs” ».
Samaranch
Suite de l’histoire de cette « arrière-boutique historique » timbrée dans le prochain numéro !
Juan Antonio Samaranch (1920-2010), qui « servit Franco du mieux qu’il put », note Sylvain Cypel dans la nécrologie qu’il consacre en 2010 dans les colonnes du Monde à l’ancien président du Comité international olympique, de 1980 à 2001, fut un grand philatéliste. Timbres magazine lui consacre cinq pages sous la signature de Jean-Louis Emmenegger.
« En cette qualité, note-t-il, il a fortement développé la philatélie olympique. » La philatélie qui le lui a bien rendu avec des timbres à son effigie parus en nombre après sa disparition, en Espagne, en Corée du Sud, à Nauru, en Bosnie-Herzégovine, à Saint-Marin, en Bolivie, en Corée du Nord, etc.

L’auteur rappelle ainsi que c’est « à son initiative que sera créée le 7 décembre 1982 la Fédération internationale de philatélie olympique (FIPO) ».
S’ensuivent l’édition de catalogues dédiés aux timbres olympiques, des expositions – Olymphilex, dont la première édition est organisée à Lausanne en 1985 –, une Association internationale des collectionneurs olympiques (AICO) créée en 2014, des foires, toutes initiatives dont témoignent de nombreux souvenirs philatéliques, les plus rares dédicacés par Samaranch.
A noter à ce propos que la prochaine Foire mondiale des collectionneurs olympiques aura lieu à Prague (République tchèque), du 29 mai au 1er juin 2025, « ville où s’est tenu le congrès du CIO de 1925, il y a cent ans ». On doit à Samaranch « l’achat de la parcelle à Ouchy-Lausanne sur laquelle a été construit l’actuel Musée olympique »…
Samaranch, enfin, fut aussi un « grand » collectionneur, « avec une préférence pour la première série des douze timbres qui furent émis pour les Jeux olympiques d’Athènes, en 1896 ».
Exotique, « Wu Jingguo, membre exécutif du CIO, a financé et construit en Chine [à Tianjin] un musée entièrement consacré à Juan Antonio Samaranch, qu’il a appelé le Samaranch Memorial, inauguré le 21 avril 2013 » !…
Girodet, Léo Gausson, Emile Cavallo-Peduzzi
Parmi quelques infos glanées au fil des pages :
– Carnet « noir », avec la disparition le 16 novembre, d’André Borrey, à 93 ans, qui fut président de la Chambre syndicale des négociants et experts en philatélie. Décès également de la négociante Danièle Dutertre, le 23 novembre, à 87 ans, installée jadis Galerie de Chartres, au Palais-Royal.
– Monika Nowacka a été nommée directrice du patrimoine et des expositions du Musée de La Poste de Paris. Docteure en histoire de l’art, Monika Nowacka est titulaire d’une thèse sur la création des timbres-poste français. Elle s’est spécialisée dans le domaine de l’estampe, qu’elle a également pratiqué à l’Ecole des Beaux-arts de Compiègne et à l’Ecole Boulle à Paris. Forte de vingt ans d’expérience au Musée de La Poste, Monika Nowacka a d’abord été chargée de la conservation des collections philatéliques avant d’occuper, pendant sept ans, le poste de responsable de ce même service. En plus du commissariat scientifique de l’exposition permanente La Poste, l’art et le timbre, Monika Nowacka a assuré le commissariat et la production de plusieurs expositions temporaires telles que Quand l’art devient postal (en 2012-2013), A la pointe de l’art, un geste d’artiste (2021), Marianne, les visages de la République (2022), et plus récemment Carnets de timbres dans l’air du temps, ouverte en janvier 2024.

– Collectors timbrés : à l’occasion du bicentenaire de la mort du peintre Anne-Louis Girodet (1767-1824), l’Association philatélique du Loiret (APL) édite quatre timbres personnalisés (3 euros pièce et 12 euros le collector de quatre) ainsi que deux cartes affranchies de l’un des timbres oblitéré d’un cachet illustré. Commandes auprès de M. Jutteau, le président de l’APL (b.jutteau@laposte.net ou au 06-87-43-53-85) ; l’Amicale philatélique de Lagny-sur-Marne a édité quatre cartes-maximum dédiées à Léo Gausson (1860-1944) et Emile Cavallo-Peduzzi (1851-1917), peintres du groupe des néo-impressionnistes de Lagny. Chaque carte est affranchie d’un timbre personnalisé du même visuel (14 euros le lot des quatre cartes). Timbres seuls également disponibles, en feuilles ou à l’unité. Bon de commande à demander à ap.lagny@gmail.com (frais de port en lettre suivie à 3,10 euros). Renseignements, commandes : Jacques Tilliet, 37, rue des Chrysanthèmes, 77400 Lagny-sur-Marne.

– Une DS Citroën 19 de 1955 est reproduite sur un timbre bulgare paru en octobre au sein d’un feuillet consacré aux voitures du milieu du XXe siècle qui compte une Mercedes 300 SL, une Cadillac et une Austin Mini.
Autres sujets traités dans le mensuel :
« La mission Paris-Lac Tchad », par Bertrand Sinais. Dans les années 1920, André Citroën (1878-1935), qui achève l’installation d’une liaison automobile jusqu’à Niamey (Niger), fait savoir que ses installations au sol pourront être utiles pour le ravitaillement d’un raid aérien au-dessus du désert. Point de départ d’une mission d’études aérienne vers le Tchad et l’Oubangui, le vol de deux appareils quadrimoteurs Blériot 115 dont l’un s’écrasera le 10 février 1925 à Niamey… et du courrier, dont « vingt enveloppes avec griffe imprimée bleue « premier courrier aérien Paris-Le Niger-Le Tchad janvier 1925 » numérotées (…) assurément une des pièces les plus recherchées de l’aérophilatélie française » ;
– « Entiers postaux et 7e art : les cinémas et leurs programmes », 2e partie ;


– « Variétés et erreurs d’impression des “timbres” du KKL », par Alain Berrebi. Le KKL (des mots hébreux Keren Kayemeth Lelsrael, que l’on peut traduire par Fonds national juif, en anglais JNF, Jewish National Fund), a été créé en 1901. Cet organisme, fondé après sa mort à l’initiative de Tzvi Hirsh Herman Shapira (1840-1898) possède des centaines de milliers d’hectares en Israël. Les « timbres » du KKL – « qui ont souvent été émis dans de mauvaises conditions(…), cela explique probablement les nombreuses variétés et défaut d’impression présentés dans l’article » –, plus exactement des vignettes non postales (mais qui ont eu un – rare – usage postal durant quelques semaines en 1948, du 13 avril au 16 mai très exactement), ont été émis dès 1902 « et servent d’outil pédagogique pour l’achat de terres et la plantation de forêts » ;

– Cartophilie : les cartes « autographes », dessinées, originales et donc uniques, par Danielle Lacroix. Ces cartes postales relèvent du mail art pour peu que timbrées, elles aient voyagé ;
– « Société des collectionneurs et d’estampilles et d’oblitérations postales », par Michel Hervé. Cette association créée en 1925, sera absorbée par l’Union marcophile en 1932.
« Timbres magazine », janvier 2025, n° 273, 108 pages, 6,90 euros. En vente en kiosques, ou par correspondance (2, rue de l’Etoile, CS 79013, 80094 Amiens Cedex 3). Tél. : 03-22-71-71-87. Courriel : sbelvalette@yvert.com. Rédaction en chef : michelmelot@timbropresse.fr. Version numérique ici.
