Un haut dirigeant de TotalEnergies de nouveau nommé au Quai d’Orsay

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Le logo TotalEnergies sur l’une des tours du groupe, à La Défense (Hauts-de-Seine).

Nouvel aller-retour pour Romaric Roignan. Après neuf ans passés à la compagnie pétrogazière Total – rebaptisée TotalEnergies –, le diplomate a été nommé, le 19 février, au Journal officiel, directeur Afrique et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères.

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Son parcours de ces dernières années illustre les allers-retours entre la diplomatie française et la major pétrolière. M. Roignan était jusqu’alors vice-président de la performance environnementale et sociale de la multinationale, après avoir été brièvement directeur de la stratégie climat, jusqu’en 2023. Juste avant, il était vice-président Afrique du Nord de la branche exploration production de TotalEnergies. La compagnie pétrolière dispose notamment d’activités pétrolières et gazières en Algérie, et distribue de l’essence au Maroc et en Tunisie. Le groupe est également très présent au Proche-Orient, en particulier en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis et au Qatar.

Avant son passage chez TotalEnergies, M. Roignan a été successivement conseiller au cabinet du premier ministre Jean-Marc Ayrault entre 2012 et 2014, puis directeur de cabinet, de 2014 à 2015, de la secrétaire d’Etat chargée du développement et de la francophonie, Annick Girardin. Il avait ensuite rejoint le groupe pétrolier, en étant notamment en poste en Birmanie, où TotalEnergies opérait un projet gazier contesté pour ses liens avec la junte. Romaric Roignan connaissait déjà bien le groupe, puisqu’il avait déjà été détaché du Quai d’Orsay – une sorte de « prêt » – en 2007 comme conseiller à la direction internationale. Contacté par Le Monde, M. Roignan a confirmé ce mouvement et a précisé avoir reçu l’accord de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Au cœur d’une commission d’enquête

Ces allers-retours entre Total et la haute fonction publique ont été au cœur d’une commission d’enquête sénatoriale à l’hiver 2024, menée par les sénateurs Yannick Jadot (Ecologiste) et Roger Karoutchi (Les Républicains).

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Lors des auditions, ce type de parcours a été régulièrement qualifié de système de « portes tournantes », qui crée une porosité de fait entre le Quai d’Orsay et TotalEnergies. Mais l’entreprise défend de longue date ce compagnonnage, estimant qu’il est bénéfique tant à la diplomatie française qu’au groupe pétrolier. Ce système a aussi ses défenseurs au sein du Quai d’Orsay ou au ministère de l’économie, où certains voient d’un bon œil le fait d’avoir des rapports très proches avec l’un des plus grands groupes français. Plusieurs organisations écologistes dénoncent à l’inverse une collusion qui pousserait la diplomatie française à préférer les intérêts de l’entreprise aux engagements climatiques de la France.

Le rapport final de la commission d’enquête sénatoriale proposait d’améliorer le contrôle des mobilités de ce type entre les grandes entreprises et la HATVP, notamment en étant plus explicites sur les contacts entre des cadres dirigeants et des diplomates en poste. Contactée, la HATVP n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.

En avril 2024, une enquête du Monde avait révélé la profondeur de ce lien historique entre l’Etat et TotalEnergies et mis en lumière les contradictions du Quai d’Orsay sur les questions climatiques.

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