Un gynécologue à la retraite sera jugé dans le Val-d’Oise pour viols et agressions sexuelles sur 112 patientes

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Un gynécologue à la retraite comparaîtra devant la cour criminelle départementale du Val-d’Oise pour répondre à des accusations de viols et agressions sexuelles sur plus d’une centaine de patientes, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de source proche du dossier mardi 4 mars, confirmant une information du média Les Jours.

Un procès de plusieurs mois se profile pour Phuoc-Vinh Tran, ancien gynécologue du Val-d’Oise âgé de 74 ans et qui a nié les faits tout au long de l’instruction longue d’une décennie et au cours de laquelle 133 femmes ont déposé plainte. Après requalification de certains viols en agressions sexuelles, certaines dépassant alors le délai de prescription, le septuagénaire aura à répondre devant la justice de 92 cas de viols et 25 cas d’agressions sexuelles sur 112 patientes.

Dans son ordonnance de mise en accusation, datée du 3 mars et dont a eu connaissance l’AFP, la juge d’instruction souligne que les faits reprochés ont été formulés « en des termes similaires et circonstanciés » par les plaignantes. « La médiatisation de l’affaire n’a eu pour conséquence que de constituer un élément déclencheur dans leur prise de parole », les femmes n’osant auparavant pas déposer plainte « par honte ou par crainte de ne pas être prises au sérieux », signale-t-elle. Les enquêteurs vont étendre les recherches à l’ensemble de la patientèle du gynécologue.

Aux enquêteurs, le praticien retraité avait déclaré « exercer la gynécologie avec douceur » ou selon « une méthode asiatique ». Tout en soulignant « le caractère sériel » des actes reprochés, la juge affirme que le « caractère sexuel des touchers vaginaux [est] en contradiction avec un acte strictement médical ». Me Jean Chevais, avocat de Phuoc-Vinh Tran, n’a pas répondu mardi aux sollicitations de l’AFP.

« Des gestes identiques décrits par l’ensemble des patientes »

L’affaire débute en 2013 quand une femme dépose plainte à la suite de sa première consultation chez le docteur Phuoc-Vinh Tran. Dans le cabinet situé à Domont, petite ville à une quarantaine de kilomètres au nord de Paris, la patiente de 52 ans comprend que l’auscultation du praticien n’est pas habituelle mais elle reste « figée », « tétanisée ».

L’ensemble de la patientèle du gynécologue est alors contactée par les enquêteurs et plus de 100 femmes vont déposer plainte, livrant des témoignages similaires. « Les gestes identiques décrits par l’ensemble des patientes, à savoir des mouvements de va-et-vient répétés avec les doigts à l’intérieur de leur vagin, accompagnés de caresses sur le ventre, le pubis, les cuisses, les fesses, voire le clitoris, dans le but de les stimuler sexuellement, ne peuvent s’analyser comme des gestes à visée médicale », affirme le parquet de Pontoise dans son réquisitoire définitif dont l’AFP a eu connaissance.

Au fil des 94 pages du document se suivent de succincts résumés de ces consultations dénoncées par ces femmes, âgées de 18 à 52 ans au moment des faits. Allongées sur la table d’auscultation, elles ne disent rien, alors même que les plaignantes comprennent toutes que le temps d’examen dépasse largement celui des gestes médicaux. Plusieurs d’entre elles rapportent avoir senti le sexe en érection du praticien lorsqu’elles subissaient ces actes.

Le parquet rappelle dans son réquisitoire que les dizaines de femmes qui se sont constituées partie civile dans ce dossier n’ont d’autre lien que d’avoir un jour consulté ce gynécologue. « La théorie du complot fomenté à l’encontre » du médecin, aujourd’hui âgé de 74 ans, « est formellement exclue eu égard à la concordance des déclarations des victimes, » signale le parquet. Une théorie du complot également balayée par la juge d’instruction.

Des plaignantes qui « n’ont pas le sentiment d’être reconnues comme victimes ou parties civiles »

Car depuis le début de l’instruction, le gynécologue a toujours contesté les accusations de viols et d’agressions sexuelles portées contre lui, accusant les plaignantes de lui faire « un procès d’intention », et de chercher « à nuire à sa réputation ».

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Né au Vietnam et ayant fait ses études en France, il a déploré auprès du magistrat instructeur le fait que ses actes « avaient été mal interprétés » par les patientes qui, selon lui, ont une « méconnaissance des gestes médicaux gynécologiques ».

Plusieurs médecins généralistes de la région de Domont se sont fait l’écho, auprès des enquêteurs, du malaise de certaines de leurs patientes à l’égard de ce spécialiste. Après plus de dix ans de procédure judiciaires, nombre des plaignantes « se sentent abandonnées », a expliqué à l’AFP, début février, Me Franck Levy, conseil d’une quarantaine d’entre elles.

« Elles n’ont pas le sentiment d’être reconnues comme victimes ou parties civiles », s’était désolé l’avocat qui suit le dossier depuis 2015. Ses clientes sont aujourd’hui « très énervées contre la justice » face à la durée de la procédure et « très énervées contre la médecine et les gynécologues ».

En recevant copie du réquisitoire définitif, les parties civiles ont découvert que le Dr Tran n’était plus sous contrôle judiciaire depuis le mois de juin, ce qui leur a fait craindre une potentielle fuite vers le Vietnam. Le parquet de Pontoise avait par ailleurs requis le non-lieu pour 36 autres plaignantes, en raison de la prescription des faits. Faute de charges suffisantes, une 37e plainte avait également été écartée du réquisitoire.

Le Monde avec AFP

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