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L’enjeu du scrutin en Californie

Un électeur à Norwalk, le 28 octobre 2024, dans le comté de Los Angeles.

La Californie n’a pas le statut de swing state, ces Etats où l’écart entre les deux candidats a été inférieur à 3 points en 2020. Cela fait plus de vingt ans qu’elle penche solidement à gauche. En 2020, Joe Biden y avait enregistré quelque 5 millions de voix de plus que Trump (soit 63,5 % ). Et en 2016, Hillary Clinton avait recueilli 8,8 millions des 65,8 millions de voix qui lui avaient permis de remporter le vote populaire (mais pas l’élection, ravie par Trump bien qu’il soit devancé de 2,87 millions de voix).

Les Californiens (39 millions de personnes) critiquent un système de suffrage universel indirect qui les ramène au même poids que le Dakota du Nord (770 000 habitants) ou même du Sud (900 000). A lui seul, le comté de Los Angeles (10 millions d’habitants) est plus peuplé que le Michigan ou le Wisconsin, deux swing states.

Mais le Golden State n’est pas sans importance électorale. Avec 52 élus à la Chambre des représentants, la délégation californienne est la plus importante de l’Union au congrès. Et sur le plan de l’évolution de la société, la Californie donne souvent le ton, avec une multiplicité de référendums locaux, ouvrant la voie à des mesures similaires dans le reste du pays (comme en 1996 avec l’adoption de la Proposition 215, qui a permis l’usage médical de la marijuana, aujourd’hui légale à usage récréatif dans 23 Etats).

Lors du scrutin du 5 novembre, plusieurs consultations sont de portée nationale : six sièges pour la Chambre des représentants sont considérés comme indécis. A San Francisco, la maire, London Breed, pourrait faire les frais du ras-le-bol des citoyens contre la présence des sans-abri. Elle est menacée par Daniel Lurie, le milliardaire et héritier de la fortune des Levi Strauss.

Dans une campagne qui a vu les républicains pilonner leurs adversaires sur « l’insécurité », la consultation la plus suivie concerne la proposition 36 (prop 36), un référendum renforçant les peines contre la petite délinquance et le trafic de drogue. Le résultat va donner la mesure du recentrage de l’Etat – et du Parti démocrate − sur les questions de sécurité et de justice pénale.

La proposition 36 durcit les peines pour les vols et les faits liés à la drogue. Elle revient sur la proposition 47 adoptée en 2014 dans l’enthousiasme des années de progrès technologique. A l’époque, il s’agissait de désengorger les prisons, selon une injonction de la Cour suprême de l’État. Près de 60 % (59,6 %) des électeurs avaient approuvé le relèvement du seuil des infractions. Les vols inférieurs à 950 dollars avaient été ramenés du qualificatif de crimes à celui de délits.

La proposition 36 prévoit de redonner la qualification de crime aux vols de moins de 950 dollars si l’accusé a déjà été condamné deux fois. Elle stipule que les usagers de drogues telles que le fentanyl, l’héroïne ou la méthamphétamine pourront être condamnés à une « peine de traitement obligatoire » de désintoxication. Les tribunaux devront informer les inculpés qu’ils risquent d’être poursuivis pour meurtre si leurs produits entraînent la mort d’un consommateur.

La proposition 36 a été lancée par un groupe regroupant les entreprises de la grande distribution (Walmart, Target, Home Depot), des élus des deux bords ainsi que l’association des procureurs de districts. Elle répond aux attaques des républicains, qui ont fait un épouvantail du « modèle » californien de justice pénale. Avant même l’entrée en campagne de Kamala Harris, l’ancienne procureure générale de Californie, la base « MAGA » ne cessait de diffuser des clips de « smash and grab » : l’irruption dans les magasins de voleurs masqués qui emportent des sacs entiers de produits.

La « prop 36 » devrait être largement adoptée (les sondages vont jusqu’à 70 % pour le oui). Une perspective embarrassante pour Gavin Newsom, le gouverneur, qui en a été l’un des principaux opposants, au motif que la lutte antidrogue mérite une approche globale à l’Assemblée de l’Etat et non un mouvement d’humeur de citoyens excédés. Sous son impulsion, les parlementaires ont même essayé de réduire le soutien au référendum en présentant un ensemble de projets de loi sur la délinquance, mais sans succès.

Kamala Harris, électrice en Californie, n’a pas révélé comment elle comptait voter sur la proposition 36. Elle qui met volontiers en avant sa fermeté dans l’application de la loi, lorsqu’elle était procureure, a refusé de commenter un texte qui revient à l’annulation de la proposition 47, adoptée en 2014 sous son mandat. A l’époque, elle avait observé le même mutisme. Une attitude qui montre que « l’approche prudente de Harris remonte à bien avant sa candidature présidentielle », a commenté le Los Angeles Times.

Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)



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