

« Si ces peines peuvent vous paraître difficiles, elles sont juste là pour vous rappeler que vous n’êtes pas au-dessus des lois. » Le président de la 14e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny, Youssef Badr, vient de déclarer trois policiers coupables de violences et menaces, jeudi 10 juillet. Et ce, ajoute-t-il, pour « des faits de nature à porter le discrédit sur une profession qui ne mérite pas ça ». A savoir des coups et des propos tenus par des policiers de la brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) lors de l’interpellation d’un étudiant tchadien en marge d’une manifestation à Paris contre la réforme des retraites, en mars 2023.
Les trois fonctionnaires de police ont été condamnés à des peines plus sévères que les réquisitions, allant jusqu’à un an de prison avec sursis, assorties d’interdictions temporaires d’exercer pour deux d’entre eux.
Les faits jugés remontent à la nuit du 20 mars 2023, à Paris, en marge d’une manifestation de contestation contre la réforme des retraites. Ce soir-là, sept personnes soupçonnées d’avoir pris part à des dégradations sont interpellées par une équipe de la BRAV-M. L’une d’elles lance alors discrètement un enregistrement des échanges avec les policiers.
Le document audio − dont des extraits diffusés dans les médias trois jours après les faits avaient suscité l’émoi jusqu’à faire réagir le préfet de police de Paris − a permis à la justice d’attribuer gestes et propos aux policiers intervenant sur les lieux.
« Vous devez être irréprochables »
L’agent qui avait porté deux coups au visage de l’étudiant tchadien a ainsi été condamné à un an de prison avec sursis, deux ans d’interdiction d’exercer la profession de policier et à une amende de 450 euros. Au prononcé du jugement, le président du tribunal a insisté sur le fait que le jeune homme victime était « déjà assis au sol » lorsque les coups avaient été portés et, qu’il n’avait, en outre, « jamais été insultant ni désinvolte, encore moins menaçant ». En juin, à l’issue de deux journées d’audience, le parquet n’avait requis contre lui qu’une peine de quatre mois de prison avec sursis et une interdiction d’exercer pendant un an.
« Toi, je t’aurais bien pété les jambes (…). La prochaine fois qu’on vient, tu monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu’on appelle ambulance pour aller à l’hôpital », avait lancé un autre agent à Souleyman Adoum Souleyman, l’étudiant qui a toujours nié avoir été un manifestant ce soir-là. Le tribunal correctionnel de Bobigny l’a condamné à huit mois de prison avec sursis, à une interdiction d’exercer pendant un an, et à 450 euros d’amende. Ces propos « en aucun cas justifiés » dans un contexte d’interpellation et alors que l’étudiant était « dans un état de soumission » constituent « une violence verbale capable de susciter un choc psychologique », a poursuivi le président, soulignant « la virulence, la répétition et la longueur des propos » du policier « à l’égard d’un jeune homme alors que vous êtes 10 face à lui, qu’il est entravé dans sa liberté et qu’il fait nuit ». Contre cet agent de la BRAV-M, le parquet n’avait retenu qu’une peine contractuelle d’amende de 450 euros.
Pour avoir également tenu des propos constituant des violences verbales, un troisième policier a été reconnu coupable et condamné à 2 000 euros d’amende.
« Le tribunal souhaite vous dire que ces peines reflètent le comportement que vous avez choisi d’adopter ce soir-là », a conclu le président, leur adressant ces derniers mots : « Vous êtes des fonctionnaires de police, vous avez des prérogatives de puissance publique, vous avez le pouvoir de priver de liberté, de porter une arme. En cela, messieurs, vous devez être irréprochables. »