trois copropriétaires condamnés à de la prison ferme ; sursis pour un ex-adjoint au maire et un architecte

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Sur le site des effondrements de la rue d’Aubagne, à Marseille, le 8 novembre 2018.

Sept mois après l’audience tenue à l’automne, le tribunal correctionnel de Marseille a rendu son jugement dans le procès des effondrements de la rue d’Aubagne, lundi 7 juillet. Parmi les 16 prévenus – ancien adjoint au maire, expert, syndic, copropriétaires – trois ont été condamnés à de la prison ferme et quatre à du sursis. Six autres ont été relaxés.

Dans le détail, Xavier Cachard – élu régional ayant la double casquette de propriétaire et avocat du syndic – est condamné à 4 ans de prison, dont 2 avec sursis. Le reliquat de la partie ferme étant à effectuer sous bracelet électronique à domicile. L’accusation avait demandé cinq ans de prison dont trois ferme, soit la plus lourde réquisition.

La même peine a été prononcée à l’encontre de Gilbert Ardilly, propriétaire de l’appartement du 1er étage du 65 rue d’Aubagne où vivait une famille comorienne avec un enfant de huit ans. Son fils, Sébastien Ardilly, a été condamné à 3 ans de prison dont 2 avec sursis, l’année ferme étant à effectuer à domicile sous bracelet électronique et Martine Ardilly, la mère, à 3 ans de prison avec sursis. La SCI familiale a aussi été condamnée à une amende.

L’architecte expert Richard Carta est condamné à 2 ans de prison avec sursis comme Julien Ruas, ancien adjoint au maire. Le gestionnaire du syndic, le cabinet Liautard, Jean-François Valentin est condamné à trois ans de prison avec sursis. Six autres prévenus – un bailleur social, deux de ses cadres de la SAEM Habitat et trois copropriétaires de deux autres appartements du 65 rue d’Aubagne – ont été relaxés.

Lire le récit | Article réservé à nos abonnés Les huit vies fauchées du numéro 65

« Dépenser le plus tard et le moins possible »

Lors de son réquisitoire, le procureur de la République de Marseille, Michel Sastre, avait estimé que la quasi-totalité des prévenus étaient coupables, réclamant de lourdes peines, à l’égard de Xavier Cachard : cinq ans de prison dont trois ferme. Et pour Michel Sastre, les copropriétaires avaient bien « connaissance des problèmes structurels de l’immeuble » mais avaient « joué la montre » pour « dépenser le plus tard et le moins possible ».

Des peines significatives avaient aussi été réclamées contre Richard Carta, l’expert-architecte qui n’avait pas ordonné l’évacuation de l’immeuble (trois ans de prison dont deux ferme) et contre Julien Ruas (trois ans de prison), seul élu municipal poursuivi dans cette affaire qui avait jeté une lumière crue sur l’inaction de l’équipe de Jean-Claude Gaudin, dont le parti perdra la mairie deux ans plus tard face à une coalition gauche-écologistes-société civile.

Durant les débats, les prévenus ont contesté en bloc, les avocats plaidant des relaxes en cascade. Julien Ruas, chargé de la prévention de la gestion des risques urbains, de la police des immeubles en péril, avait dit refuser « d’endosser toutes les responsabilités de la mairie de Marseille ». « Est-ce qu’il avait les moyens de remplir sa délégation ? Je ne pense pas. Est-ce que pour autant il a commis une faute pénale ? Je ne pense pas », disait à l’Agence France-Presse l’un de ses avocats, Erick Campana.

Lutte contre les marchands de sommeil

Le procès, qui s’est tenu pendant un mois et demi à l’automne, était bien plus qu’une simple affaire judiciaire et la « salle des procès hors normes » avait accueilli toute la colère et la tristesse de la ville. Les débats ont permis d’établir que les effondrements des numéros 63 (vide) et 65 étaient inéluctables vu l’état du bâti. Mais aucune mise à l’abri des locataires du 65 n’avait été décidée et les travaux entrepris s’étaient avérés inefficaces voire contreproductifs.

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L’instruction avait renvoyé devant le tribunal quatre personnes : Julien Ruas, adjoint du maire Les Républicains de l’époque, Jean-Claude Gaudin, l’architecte Richard Carta qui avait expertisé l’immeuble moins de trois semaines avant son effondrement, et deux personnes morales, le syndic du 65, le cabinet Liautard, et le bailleur social propriétaire du numéro 63, laissé à l’état de ruine par Marseille Habitat. Insuffisant pour certaines parties civiles qui avaient cité à comparaître une douzaine de personnes supplémentaires, dont des copropriétaires.

Au final, 16 personnes morales et physiques ont été jugées pour différents délits, notamment homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité, cinq ans de prison maximum, et soumission de personnes vulnérables dont au moins un mineur à des conditions d’hébergement indigne, jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

A Marseille, où l’habitat indigne prospère sur la précarité, ces décisions comptent. Depuis le drame, la justice de la deuxième ville de France n’hésite d’ailleurs plus à envoyer les marchands de sommeil en prison, comme en mars le propriétaire d’une trentaine de studios insalubres dans une ex-résidence universitaire.

Le Monde avec AFP



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