

Je suis poursuivi en justice par l’un de mes objets de recherche. En janvier 2022, après la sortie de mon livre Russia Today (RT). Un média d’influence au service de l’Etat russe (INA, 2021), la chaîne RT France a en effet déposé une plainte en diffamation contre moi. Filiale du réseau transnational russe RT (ex-Russia Today), RT France a été suspendue, au sein de l’Union européenne, après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, en raison de ses liens avec l’Etat agresseur russe et de sa justification de l’« opération militaire spéciale », selon les termes utilisés par Moscou. RT en français a depuis été relocalisée à Moscou.
Le 4 avril 2024, mon éditeur et moi avons été mis en examen, avant d’être finalement relaxés, le 5 février, par le tribunal correctionnel de Créteil. Le tribunal a en effet jugé qu’aucun des neuf passages attaqués ne comportait de caractère diffamatoire. RT France a fait appel de cette décision.
Ces poursuites relèvent de ce qu’on appelle une « procédure-bâillon ». Destinées à intimider les chercheurs qui enquêtent sur des objets et des terrains sensibles, elles génèrent des frais de justice importants, une forte pression psychologique, une perte de temps considérable ainsi qu’une incitation à l’autocensure. La procédure qui me vise est d’autant plus cynique et paradoxale qu’une partie de la communication de RT consiste, en surface, à s’ériger en défenseur du pluralisme et de la liberté d’expression contre l’univocité supposée des « médias mainstream » et la censure du « politiquement correct ».
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