En toute discrétion. Dix-neuf ans après avoir succédé à son père à la faveur d’une manipulation de la Constitution puis du massacre de centaines de ses compatriotes, Faure Essozimna Gnassingbé, 57 ans, s’est dégagé la voie pour rester indéfiniment aux commandes du Togo. Lundi 6 mai au soir, il a promulgué la loi portant révision de la Constitution et faisant entrer son pays dans la Ve République.
Le texte, adopté par les députés en deuxième lecture le 19 avril, instaure un régime parlementaire – et non plus présidentiel – dans ce pays d’Afrique de l’Ouest sous la férule d’une même famille depuis 1967. Une petite révolution dans les apparences, dénoncée en vain par ses opposants comme un « coup d’Etat constitutionnel ». Les chancelleries n’ont pas dit un mot.
Jamais, depuis son accession au pouvoir en 2005, Faure Gnassingbé n’a semblé avoir à ce point les coudées franches. Et si peu besoin de rendre des comptes. Son parti, l’Union pour la République (UNIR), vient de remporter, sans surprise, les élections législatives organisées le 29 avril, obtenant 108 députés sur 113, selon les résultats provisoires annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Peu importe que la nouvelle Constitution, modifiée entre sa première adoption, le 25 mars, et le vote du 19 avril, n’ait toujours pas été rendue publique ; le scrutin avait valeur de référendum. Et son issue, pour le palais, tient du plébiscite.
Parce qu’elle s’est déroulée sans heurts sur un continent et dans un monde perclus de crises, la manœuvre a suscité peu de réactions internationales. Aucune barricade ne s’est dressée dans Lomé, aucun pneu n’a été incendié. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union africaine (UA) et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ont exprimé leur satisfaction sur la tenue des élections.
« Pur produit de la bourgeoisie »
En presque deux décennies à la tête du Togo, Faure Gnassingbé, héritier aux manières policées, a su se bâtir une image de « dictateur soft ». Celle d’un dirigeant habile qui fait affaire avec tout le monde, sans se fâcher avec personne. Et dont la stature de médiateur régional tend à faire oublier les dérives autocratiques de son régime.
Peu, pourtant, misaient il y a dix-neuf ans sur ce « fils de », titulaire d’une licence d’économie et gestion de l’université Dauphine, à Paris, et d’un MBA de l’université George-Washington. Quand il est porté au pouvoir par l’armée, en 2005 – après une manipulation de la Constitution qui n’est pas sans rappeler celle, plus feutrée, opérée ces dernières semaines –, le nouvel homme fort du Togo brille surtout par le contraste qu’il offre avec son père.
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