On a bien oublié aujourd’hui qu’en pleine épidémie à VIH, alors que le sida était une maladie mortelle qu’on ne savait pas juguler, la Cour de cassation refusa par deux arrêts successifs (1989, 1997) de considérer deux homosexuels vivant ensemble comme des « concubins » au motif que la catégorie viserait la « vie maritale » et que seuls pourraient prétendre à une telle vie les couples… qui pourraient se marier.
Cette interprétation très idéologique, liant le fait social du concubinage à la possibilité statutaire du mariage, n’a jamais existé dans les pays de common law, plus pragmatiques. Elle explique pourquoi il y a eu, au moment du vote du pacte civil de solidarité (pacs), « deux enjeux institutionnels mêlés » : garantir des droits sociaux et fiscaux pour les couples homosexuels, qui en avaient un besoin urgent, mais aussi changer la définition pluriséculaire du couple en droit civil, ce qui supposait de faire entrer l’homosexualité dans le domaine de la parenté.
Je voudrais rappeler ici le rôle majeur, trop méconnu aujourd’hui, qui fut celui de Robert Badinter lors de ces débats.
Quatre positions qui s’affrontent
En effet, comment répondre à la jurisprudence de la Cour de cassation ? En assumant d’opérer une redéfinition du couple en droit ? En la contournant ? En la refusant ? On ne sait pas assez que sur ce sujet se sont affrontés non pas seulement deux camps, les « propacs » et les « antipacs », mais bien quatre positions.
1 – Une position de dénonciation du lien : aucun droit ne doit être accordé. Elle procède d’une hostilité ouverte à l’homosexualité. C’est la solution de tous ceux qui souhaitent maintenir l’homosexualité comme une anomalie, un péché, une pathologie qu’il faudrait soigner et à laquelle on devrait tout au plus compassion. La députée Christine Boutin et le représentant de l’Eglise de France pour le pacs, Tony Anatrella, prêtre et psychanalyste, sont les deux figures qui ont incarné cette position dans sa version offensive. Elle rassemble une grande partie de la droite qui s’est mobilisée contre le pacs.
2 – Une position d’effacement symbolique du lien : des droits sociaux réels, mais pas de relation reconnue. Elle peut être interprétée comme une position pragmatique d’évitement des conflits, mais aussi comme le refus de toute publicisation de l’homosexualité : c’est la solution du pacte d’intérêt commun (PIC), élaboré par le juriste Jean Hauser, dans l’idée revendiquée de dire non à toute reconnaissance symbolique du couple de même sexe. Cette voie confirme indirectement la jurisprudence de la Cour de cassation définissant le couple comme nécessairement de sexe différent. C’est la position d’une partie de la droite, la plus libérale, qui s’est mobilisée contre le pacs.
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