Envahie par la Russie le 24 février 2022, l’Ukraine tente de gérer, en même temps que la guerre sur le front, une économie mise à mal par les bombardements, la destruction systématique de ses infrastructures énergétiques et une pénurie massive de main-d’œuvre en raison de la mobilisation militaire et de l’exode d’une partie de la population. Une autre épreuve se greffe sur cette liste de défis : la renégociation de sa dette souveraine avec ses créanciers privés.
Au lendemain de l’invasion, ces gestionnaires d’actifs, parmi lesquels les géants américains BlackRock et Pimco et le français Amundi, filiale du Crédit agricole et premier fonds d’Europe, avaient consenti à Kiev un moratoire de deux ans sur le remboursement d’environ 20 milliards de dollars (18,7 milliards d’euros) d’obligations d’Etat. Ce moratoire arrive à échéance le 1er août, alors que le conflit, que les financiers avaient peut-être envisagé comme un affrontement de courte durée, se transforme en guerre d’usure dont personne ne peut actuellement prédire l’issue.
Face à une armée russe soutenue par une économie totalement recentrée par le Kremlin sur l’effort de guerre, l’Ukraine consacre aujourd’hui environ 40 milliards de dollars par an à ses dépenses militaires, soit 22 % de son produit intérieur brut. La restructuration de sa dette est donc, dans ce contexte, une priorité. Elle est en outre l’une des conditions posées par le Fonds monétaire international (FMI) pour poursuivre le versement de son aide de 15,6 milliards de dollars.
Les négociations en cours sur de nouvelles échéances achoppent sur le montant de la restructuration. Un comité représentant les créanciers privés vient de rejeter la proposition de l’Ukraine, qui avait reçu le feu vert du G7, d’une réduction de 60 % sur la valeur de leurs titres. Les créanciers ont limité leur offre à hauteur de 20 %.
Cette offre est insuffisante. Les gestionnaires d’actifs se trouvent, certes, dans la situation inédite et inconfortable de négocier une restructuration de dette avec un pays où la guerre fait rage. Mais les montants en jeu ne sont pas insurmontables pour de telles institutions financières. Il ne leur est pas interdit par ailleurs de prendre en compte le facteur géopolitique de cette guerre, qui menace aussi la sécurité des pays occidentaux, ni l’attrait que présentera pour les investisseurs, une fois la guerre terminée, la reconstruction du pays
Des sommes monumentales
Cette guerre, qu’elle n’a pas provoquée, coûte à l’Ukraine des sommes monumentales pour assurer sa défense face à l’agresseur russe. Les Etats occidentaux, qui la soutiennent dans cet effort, lui ont accordé depuis deux ans une importante aide militaire et financière, sans laquelle elle se serait effondrée. Kiev observe cependant avec inquiétude l’incertitude politique qui règne chez plusieurs de ses alliés, aux Etats-Unis et en Europe, et en appréhende les échéances électorales : rien ne dit que les gouvernements produits par d’éventuelles alternances, en particulier à Washington mais aussi en France, lui seront aussi favorables.
Pour assurer ses arrières, le gouvernement ukrainien souhaite pouvoir être en mesure de faire appel aux marchés financiers, mais il ne pourra emprunter sur ces marchés que si sa dette est restructurée. Dans le soutien à l’Ukraine, les Etats ont fait, laborieusement, leur part du chemin. Aux créanciers privés, maintenant, d’assumer la leur, en formulant des propositions de restructuration plus généreuses.