Livre. Deux ans de travail, une quarantaine d’autrices et d’auteurs, trois cents images d’archives : l’histoire mondiale des féminismes, coordonnée par les historiennes Yannick Ripa et Françoise Thébaud, est un magnifique ouvrage qui retrace deux siècles de combat en faveur de l’égalité des sexes. Joliment relié, richement illustré, ce livre réunit plus d’une centaine de contributions consacrées aux mouvements en faveur de l’émancipation des femmes, qui émergent en Europe, aux Etats-Unis, au Brésil, en Inde, en Suède, en Chine ou en Russie, à partir de la fin du XVIIIe siècle.
Des premiers « surgissements » de l’ère révolutionnaire aux mobilisations du début du XXIe siècle, en passant par les croisades européennes contre la prostitution de la fin du XIXe siècle, la victoire en 1893 du suffragisme néo-zélandais ou les combats des pionnières indiennes de l’écoféminisme des années 1970, cet ouvrage explore les mille et une facettes d’une mobilisation qui s’est intéressée, au fil des décennies, à des sujets aussi divers que le droit de vote, l’avortement, la liberté vestimentaire, les droits des peuples autochtones, l’égalité salariale, l’éducation des filles ou le désarmement nucléaire.
Réjouissante diversité
« Multiple et hétérogène », le féminisme se décline toujours au pluriel, souligne l’introduction du livre – parce qu’il s’adapte aux réalités nationales dans lesquelles il se déploie, parce que les combats se transforment avec les époques et parce qu’il réunit – et parfois oppose – des courants politiques et philosophiques très différents. Cette réjouissante diversité éclate dans les trois cents pages d’un ouvrage qui évoque les moments emblématiques de l’histoire du féminisme, mais aussi les combats qui, aujourd’hui encore, restent dans l’ombre.
Les lecteurs auront ainsi la – bonne – surprise de découvrir Savitribai Phule, une précurseuse indienne de l’intersectionnalité qui, au XIXe siècle, combattait à la fois le système des castes et la domination masculine ; Mary Church Terrell, l’une des premières Afro-Américaines diplômées de l’université, qui a bataillé en faveur du suffrage féminin aux Etats-Unis, au début du XXe siècle ; Qiu Jin, une écrivaine féministe chinoise qui fut exécutée en 1907 ; ou Meena Keshwar Kamal, une poétesse afghane qui défendait l’alphabétisation des filles avant d’être assassinée, à 31 ans, en 1987.
Rédigé par un collectif d’historiennes, de sociologues et de politologues français et étrangers, ce livre s’appuie sur une formidable iconographie qui mêle des affiches, des portraits, des caricatures, des pancartes et des documents – on y trouve notamment les statuts de l’Internationale de la porte ouverte : pour l’émancipation économique de la travailleuse, ou le brouillon d’une exégèse féministe de la Bible, publiée aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle. Parfois joyeuses, parfois tragiques, ces images racontent, comme les textes qui les accompagnent, l’histoire encore largement méconnue des féminismes des cinq continents.
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