Un stakhanoviste de l’écriture
La littérature est rarement une affaire de chiffres. Pourtant, lorsque l’on évoque James Patterson, la comptabilité s’impose. Avec ses 80 millions de dollars (73 millions d’euros) de revenus par an et une fortune estimée à 800 millions, il fut d’ailleurs reconnu comme l’auteur le plus riche au monde en 2020 par le Guinness des records. Il est régulièrement éreinté par la critique et par ses pairs (Stephen King a dit de lui qu’il était un « écrivain exécrable »), mais ses livres se vendent comme des petits pains. Principale explication à ses émoluments, sa productivité : aidé d’une équipe de coauteurs plus ou moins connus, James Patterson signe une dizaine d’ouvrages par an (sa bibliographie en compte près de quatre cents). Il en écrit l’intrigue, il pilote le marketing et veille au design des couvertures, tel un show runner de la télévision hollywoodienne.
Un auteur tayloriste
Né en 1947, James Patterson commence sa vie professionnelle dans la publicité. Après avoir vu son manuscrit rejeté près de quarante fois, il publie, en 1976, son premier roman, The Thomas Berryman Number (Little, Brown and Company, non traduit). Plusieurs autres suivront, dans une relative indifférence, jusqu’à ce que, en 1993, James Patterson prenne le taureau par les cornes : il paye de sa poche une publicité télévisée pour Le Masque de l’araignée (qui deviendra son premier best-seller) et met en place une stratégie de communication massive. Jaquettes à thème pour les romans d’une même série, tournées auprès des libraires, omniprésence dans les rayonnages grâce à la publication de plusieurs livres par an appartenant à des genres différents, du thriller à la romance en passant par la science-fiction. Aux Etats-Unis, il est considéré comme le précurseur de la « best-sellerisation » de l’édition (soit la concentration des ventes sur un petit nombre d’auteurs et de titres).
Le champion des « featurings »
Cette année, outre une biographie du golfeur Tiger Woods (Tiger, Tiger, Little, Brown & Company, non traduit), James Patterson a déjà cosigné un thriller avec le journaliste sportif Mike Lupica, un autre avec l’écrivaine Maxine Paetro et un quatrième avec l’écrivain James O. Born. Patterson s’est aussi fait une spécialité des featurings clinquants. Proche de Bill et Hillary Clinton, il a cosigné deux romans avec l’ancien locataire de la Maison Blanche (Le Président a disparu, en 2018, et La Fille du président, en 2021, chez JC Lattès). Pour sa dernière livraison, Eruption (Robert Laffont), Patterson a poussé l’exercice jusqu’à écrire à quatre mains… avec un mort. Auteur de Jurassic Park et créateur de la série Urgences, Michael Crichton est décédé en 2008, laissant un manuscrit inachevé que sa veuve a demandé à James Patterson de terminer.
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