Dans ses orientations politiques pour le prochain mandat de la Commission européenne, sa présidente, Ursula von der Leyen, a notamment annoncé « une nouvelle approche en matière de politique de concurrence ».
Derrière ce terme ambitieux, il est question de faire évoluer l’appréciation des opérations de concentration (fusions-acquisitions, entreprises communes) dans un sens plus favorable aux entreprises qui se développent sur les marchés mondiaux. Le propos fait évidemment écho aux critiques adressées à la Commission à la suite de son refus, en 2019, de la fusion entre Alstom et Siemens pour créer un « champion européen » du ferroviaire.
Plusieurs responsables politiques avaient demandé à la Commission de mieux prendre en compte la politique industrielle lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur l’autorisation d’une fusion, sans s’en tenir à la stricte situation à court terme de la concurrence en Europe.
Plusieurs secteurs stratégiques
La question s’avère d’autant plus prégnante pour l’avenir que les orientations de la présidence, mais aussi le volumineux rapport remis par Mario Draghi le 9 septembre, prévoient de soutenir plusieurs secteurs stratégiques structurant pour la compétitivité et la souveraineté européennes : l’énergie, les transports, l’intelligence artificielle, les données, les supercalculateurs, les semi-conducteurs, les activités spatiales, la génomique. Or, ces secteurs, où l’Europe accuse du retard face à la concurrence chinoise et américaine, pourraient donner lieu à de futures opérations de concentration destinées à atteindre une taille critique pour réaliser des investissements importants.
L’exercice d’une telle réforme est délicat dans les principes comme dans les moyens.
La Commission entend, d’un côté, limiter le pouvoir de marché des grandes plateformes américaines et chinoises par un contrôle rigoureux de l’application du Digital Markets Act pour favoriser l’interopérabilité, l’accès aux données et déverrouiller les écosystèmes à forts effets de réseau.
D’un autre côté, elle veut permettre à des entreprises européennes d’accroître leur pouvoir sur les marchés extraeuropéens… sans toutefois porter atteinte aux prix ou à la qualité sur le marché européen.
Une division d’experts
La présidente de la Commission ne dit pas comment elle compte s’y prendre pour mettre en œuvre cette nouvelle approche. Il est peu probable qu’un véritable critère de politique industrielle soit introduit dans l’appréciation des fusions. Outre qu’il faudrait modifier les traités européens, cela risquerait de conduire à une approche politique sans évaluation assez précise des effets, notamment en surestimant les gains d’efficacité des mégafusions : on ne fait pas toujours un champion en mettant deux honnêtes compétiteurs sur les épaules l’un de l’autre…
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