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Lorsqu’un travailleur manuel (livreur, manutentionnaire, charpentier) est victime d’un accident qui le rend inapte à reprendre son métier, et qu’il ne trouve pas d’emploi sédentaire auquel un expert médical le juge apte, quelle doit être l’indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs (PGPF) ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
Le 27 août 2014, M. X, 24 ans, électricien industriel, est percuté à moto par une voiture assurée auprès d’Axa France IARD. Il subit d’innombrables blessures. En 2019, un expert médical, estimant à 30 % son déficit fonctionnel permanent, le déclare « inapte à reprendre son métier », mais « apte à effectuer des tâches administratives dans son domaine, comme tireur de plans et de devis ».
En 2020, M. X assigne Axa pour obtenir sa condamnation à indemniser ses préjudices corporels. La cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), qui statue le 26 janvier 2023, alors que M. X n’a pas retrouvé de travail, indemnise la PGPF à hauteur de 144 384,53 euros (soit 272,65 euros par mois jusqu’à l’âge de 76 ans). Refusant de lui accorder l’intégralité de son salaire antérieur (1 625,72 euros), elle ne lui alloue que la différence entre ce salaire et le smic net (1 353,07 euros).
Elle juge en effet qu’il peut occuper un emploi rémunéré au smic, puisqu’il a suivi une formation d’exploitant en transport routier de marchandises, et qu’un détective d’Axa l’a vu travailler (bénévolement) dans le restaurant de son frère. M. X saisit donc la Cour de cassation, mais son pourvoi est rejeté, le 10 octobre 2024 (23-13.932).
Employée séquestrée
Ce que déplore son avocat, Me Alban Borgel : « Le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime commande certes de ne pas indemniser intégralement les PGPF d’une personne susceptible, en théorie, de reprendre une activité », admet-il. « Mais les magistrats doivent vérifier si, en pratique, cette personne handicapée peut être recrutée », compte tenu, notamment, de la « conjoncture économique et des réticences des employeurs ». Or, ce n’est pas le cas, affirme-t-il, de son client, qui, bien qu’inscrit à France Travail, ne retrouve pas d’emploi.
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