Kawtar avait 17 ans et préparait son entrée à la Sorbonne. Socayna, 24 ans, suivait des études de droit. Les visages de ces deux jeunes femmes, victimes d’un narcobanditisme aveugle, avec lequel elles n’avaient strictement rien à voir, ont resurgi ces dernières semaines dans la presse, à l’occasion de l’interpellation des possibles auteurs de leur assassinat.
Identifié par les enquêteurs de la police judiciaire, un homme âgé de 16 ans a été mis en examen, le 16 février, pour l’assassinat de Socayna. Il avait 15 ans, en septembre 2023, lorsque les façades des immeubles de la cité Saint-Thys, à Marseille, avaient été mitraillées en guise d’opération de rétorsion entre deux réseaux concurrents de stupéfiants. Une balle avait traversé le contreplaqué du soubassement de la fenêtre de la chambre dans laquelle travaillait la jeune victime.
Pour Kawtar, tuée en juillet 2021 dans une fusillade alors qu’elle était la passagère du véhicule d’une amie qui devait simplement la ramener chez elle, les policiers se sont rendus, fin janvier, à la prison d’Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) pour interpeller deux probables acteurs de cet assassinat. L’exploitation du téléphone du conducteur du véhicule qui, tout comme sa compagne, avait pu échapper aux tirs, a permis d’établir qu’un premier puis un second rendez-vous lui avaient été fixés pour régler une dette. Le téléphone d’où sont partis les messages de ce guet-apens a été retrouvé dans la cellule occupée par deux détenus. Ils sont mis en examen pour « complicité d’assassinat ».
Le nombre de meurtres commandités et pilotés des prisons n’a cessé d’augmenter ces derniers mois. Un nouveau pas semble même avoir été franchi, dimanche 18 février. L’assassinat dans sa cellule de la maison d’arrêt d’Aix-Luynes d’un détenu âgé de 23 ans par son codétenu apparaît, aux yeux de la police judiciaire, lié au conflit qui oppose DZ Mafia à Yoda, deux clans du narcobanditisme méridional. Ces faits qui pourraient constituer un règlement de compte entre les murs d’une prison signent, selon les dires des enquêteurs, une « mexicanisation du narcobanditisme marseillais ».
« Au 6e étage, porte de droite »
Trois quarts de la cinquantaine d’assassinats commis en 2023 sur fond de stupéfiants à Marseille seraient imputables à cette guerre entre deux bandes rivales. « La majorité, pour ne pas dire tous ces faits, sont commandités depuis la détention ou, pour le moins, des détenus y participent, soit en recrutant les équipes qui passent à l’action, soit en livrant des informations », explique-t-on à l’hôtel de police de Marseille. Dans les innombrables dossiers du narcobanditisme instruits par les magistrats de la juridiction interrégionale spécialisée, aucun ne contient le message clair et écrit d’un ordre de tuer quelqu’un, mais tous regorgent de contacts entre l’extérieur et des détenus sur la récupération de voitures, d’armes, l’envoi de photos des cibles, ou la fixation des rendez-vous aux équipes meurtrières pour récupérer leurs « salaires ».
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