« Pour un observateur allemand, le rôle du président de la République en France ne peut que surprendre »

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Par un curieux hasard, alors que la France cherche désespérément une majorité introuvable, l’Allemagne connaît au même moment une situation sous certains aspects similaire, puisqu’elle est dirigée pour quelques semaines encore par un gouvernement minoritaire SPD-Verts depuis la fin de la coalition tricolore.

Mais la ressemblance s’arrête là. Au regard du cas allemand, la crise que connaît la France témoigne à la fois de la dérive présidentialiste de la Ve République et de la (re)découverte d’un principe constitutionnel et politique souvent relégué au second plan derrière la légitimité conférée par l’élection : la responsabilité politique.

Dans une démocratie parlementaire classique, il ne suffit pas d’être élu pour exercer le pouvoir, il faut également être responsable à tout moment de ses actes, et non pas tous les cinq ans devant les électeurs. Pour le dire autrement, la patrie de Montesquieu semble avoir oublié qu’en démocratie le pouvoir doit arrêter le pouvoir.

Pour un observateur allemand, le rôle du président, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de ses prédécesseurs, ne peut que surprendre pour au moins deux raisons. D’une part, l’écart entre la règle constitutionnelle et la pratique réelle du pouvoir est immense et ne s’observe pas ainsi en Allemagne. Depuis des décennies, hors cohabitation, le président s’est arrogé les pouvoirs énoncés à l’article 20 de la Constitution en déterminant et en conduisant la politique de la nation.

Deuxièmement, il le fait sans être responsable politiquement. On se souvient de la frustration de Nicolas Sarkozy voyant Angela Merkel obligée de convaincre sa majorité au Bundestag lors de la crise grecque. On le voit également dans la situation actuelle, puisque M. Macron, à l’origine de la dissolution, de la nomination d’un premier ministre issu d’un parti arrivé quatrième lors des élections législatives et in fine de l’instabilité que connaît le pays, paraît intouchable.

Mainmise présidentielle

La tentative infructueuse de destitution par La France insoumise ou le recours à l’article 16 évoqué par certains juristes et pertinemment critiqué par [le professeur de droit public] Olivier Beaud témoignent de ce bricolage constitutionnel pour sortir de la crise.

La motion de défiance constructive allemande pourrait paraître comme une solution miracle afin de lutter contre l’instabilité gouvernementale en France, puisqu’elle oblige le Bundestag à élire un successeur au chancelier à la majorité de ses membres. Mais c’est oublier que cette procédure se décide par la négociation parlementaire, et non pas par la volonté présidentielle.

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